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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/357

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leur solution ; l’économie politique libérale a vainement préconisé l’épargne individuelle et l’assurance individualiste ; elle s’est heurtée aux chiffres inexorables fournis par les actuaires, et, en dépit des subventions dont elles jouissent, les assurances mutualistes facultatives ne parviennent pas à assurer des retraites aux ouvriers sans le concours des patrons. L’exemple des Trade-Unions est décisif ; elles ont échoué complètement, malgré leur admirable organisation et les ressources considérables dont elles disposent. La solution socialiste n’a été tentée nulle part et les propositions connues aboutissent à des impossibilités absolues. Il faut donc revenir à l’organisation corporative et à la solution autoritaire, qui a pour elle l’exemple donné depuis dix ans par l’Allemagne et qui seule sauvegarde dans une très large mesure la liberté individuelle et la dignité humaine.

Un des vétérans des luttes sociales, le marquis de Ripon, dont il est permis d’invoquer l’autorité, nous écrivait récemment que ce n’était que par voie législative qu’on avait pu régler ces redoutables questions et amener l’apaisement entre les classes. Il est temps que l’imminence du péril réveille tous ceux qui, en France, ont encore souci des principes de conservation sociale, et qu’à l’exemple des tories anglais et des catholiques allemands, ils se mettent résolument à l’œuvre. Quand on se reporte à cinquante ans en arrière, il est impossible de ne pas reconnaître que l’agitation faite autour de ces questions n’a pas été stérile : la charité chez les uns, la crainte chez les autres, ont déterminé des efforts considérables, et ces efforts ont abouti à des résultats incontestables. Mais ce qui apparaît aussi, c’est que les réformes sociales ont été rapidement et facilement réalisées dans les pays où le pouvoir central est fort, comme en Allemagne, et dans les pays dans lesquels l’autorité est incontestée et puise dans la tradition une force souveraine, comme en Angleterre. Dans les démocraties, où le pouvoir dépend du suffrage populaire, la solution est sans cesse retardée par des coalitions d’égoïsmes et des syndicats d’appétits, qui rendent toute entente impossible et laissent tout en suspens, cependant que le flot des revendications populaires grossit et s’accumule jusqu’à devenir assez fort pour emporter dans un cataclysme social les obstacles artificiels qui prétendent arrêter son cours.

Cette politique d’atermoiemens et de poussées violentes est la pire de toutes ; elle laisse aux socialistes l’avantage de se