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OLIVIER CROMWELL
ET LE
GOUVERNEMENT DES « SAINTS »


I

L’aventure de ce petit gentilhomme campagnard du comté de Huntingdon qui, après avoir renversé une dynastie, fut bien près d’en créer une et qui monta assez haut dans le respect et l’admiration de ses contemporains et de ses égaux pour se donner la gloire de refuser une couronne, est, en elle-même, un des phénomènes les plus surprenans de l’histoire. Mais Cromwell mort eut une fortune encore plus étrange que Cromwell vivant. A peine avait-il reçu la sépulture que son image, en cire, se dressait à Somerset-House. Elle était revêtue de la pourpre et tenait le sceptre en main : ainsi avait apparu Olivier lui-même le jour de sa seconde intronisation comme Lord-Protecteur, le 26 juin 1657. De plus, elle portait cette couronne royale que Cromwell n’avait pas voulu, ou n’avait pas osé placer sur sa tête. Et, pendant de longues semaines, ce fantôme couronné reçut les hommages du peuple qui défila silencieusement devant lui. Moins de deux ans après, le corps du Protecteur, arraché à la tombe où il avait dormi au milieu des rois, était pendu ignominieusement au gibet ; après quoi, sa tête, ayant été séparée du tronc par la main du bourreau, fut accrochée au-dessus de la porte du Parlement, où le hideux trophée fut longtemps visible.