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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/441

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élémens du New model. Ceux qui la composent sont des soldats de profession, qui vivent de leur métier et s’y engraissent. Chaque jour ils se rapprochent davantage de ce type militaire que la guerre de Trente ans avait mis dans un si effrayant relief et qui épouvante encore l’histoire.

Des nécessités financières obligent Cromwell à convoquer encore un Parlement dans les derniers jours de 1656. Comme dévouement à sa personne, celui-là ne laisse rien à désirer. Lui aussi entre en lutte avec l’élément militaire ; lui aussi veut réviser la Constitution ; mais, dans les deux cas, son but est de fortifier l’autorité du Protecteur. Cromwell s’appuierait volontiers sur cette assemblée pour contre-balancer l’influence des officiers ; mais, comme on l’a justement remarqué, on ne s’appuie que sur ce qui résiste et le Parlement n’a aucune force parce qu’il n’est pas l’expression sincère des volontés du pays.

Quelqu’un disait à Cromwell : « Vous avez contre vous neuf hommes sur dix. » Et le dictateur de répondre : « Qu’importe, si les neuf sont désarmés et si le dixième est armé jusqu’aux dents ! » Aveu cynique, mais imprudent, qui décèle la faiblesse de ce gouvernement. Ce dixième, armé jusqu’aux dents, tient son maître sous sa dépendance. Un despote n’a rien à refuser à ses janissaires. En 1657, les officiers se contentèrent à bon marché : ils proscrivirent le nom de roi. A part ce nom, Olivier fut, jusqu’à sa mort, un véritable souverain, héréditaire, sans contrôle, maître des finances, maître de la paix et de la guerre.


IV

L’expérience puritaine, à partir de mai 1657, peut être considérée comme terminée. Avec des interruptions, des ralentissemens, des retours de ferveur, elle s’est poursuivie par diverses méthodes, avec le Parlement, les godly men, les majors-généraux et elle aboutit à la dictature personnelle qui la clôt et l’enterre. Tout avait été essayé, tout avait échoué et cet échec allait laisser dans l’esprit de plusieurs générations une méfiance profonde contre le gouvernement de la vertu, une tendance décidée à écarter les saints de la politique pour y appeler les philosophes et les habiles. De ce moment date ce