Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/601

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est point déplacée en ce lieu, car ou la race des cyclopes « brasseurs de fer » a complètement disparu, ou bien en voici les derniers survivans.

Armé du rabot ou de l’aspadelle, — le « rabot » est un ringard de 2m,50 de longueur, et lourd en proportion, terminé par un crochet ; l’ « aspadelle, » un autre ringard, du même poids et de la même taille, terminé par une palette, — empoignant de ses fortes mains ce long et lourd outil, chacun de ces géans nus s’approche à son tour, présente à cette espèce de cratère artificiel en ignition sa poitrine et sa face, y plonge son levier qui, en créant le fer, lui aussi va remuer le monde, et, à chaque mouvement de ses bras qu’il lance en avant, il semble qu’il les enfonce dans la gorge d’un monstre pour y aller chercher quelque chose d’invisible encore, mais qu’on sent déjà formidable Du crochet de son rabot ou de la palette de son aspadelle, il fait donc son métier de puddleur, il brasse la fonte, il la retourne sur la sole du four ; il la pétrit, la coupe, la roule en boules.

Après quelques minutes de cette agitation, qui est de l’action, en plein brasier, le ringard est rouge : l’homme alors le retire, et le couche dans une bâche remplie d’eau où il vient comme s’éteindre en fumant, avec un sifflement ou un chuchotement. L’outil est las, mais l’ouvrier n’a pas le temps de l’être : il prend un autre rabot ou une autre aspadelle, et il recommence, et il continue, tant que son camarade ne lui dit pas : « à moi, » bien des minutes encore, et tant que le moment n’est pas venu de saisir dans la pince d’une grosse tenaille-écrevisse les balles de métal chauffé à blanc et de les porter au cinglage.

Le puddlage, ainsi que l’aciérie, se fait à l’usine, par deux équipes, de composition identique, une de jour, une de nuit. L’une et l’autre de ces deux équipes comprend : un contre-maître ; un pesear ; des maîtres-puddleurs ; des aides-puddleurs ; des troisièmes ou routeurs de boules ; des marteleurs ou cingleurs ; des lamineurs ; et des machinistes. Ainsi qu’à l’aciérie, le service actif se double d’un service auxiliaire, constamment de jour, et qui comprend des rouleurs de fonte, pesant et préparant les charges pour chaque four ; des casseurs et classeurs de fer ; un pointeur pour la comptabilité de l’atelier.

A côté, à la suite de l’aciérie et de la fonderie, la tôlerie. Une grue happe, au sortir du four, le lingot de métal réchauffé, et l’apporte sur la table du laminoir. La machine s’ébranle ; la