puissance tragique, la lutte suprême d’un vieux paysan, amoureux de la terre, et qui verra pourtant disparaître autour de lui sa commune natale, parce qu’un riche propriétaire du voisinage s’est avisé d’en transformer le territoire en domaine de chasse, et, de rendre à la forêt primordiale les champs jadis conquis sur les futaies par la sueur des générations agricoles. — Ce Crésus achète à tout prix les terres des villageois, et l’un après l’autre, malgré leurs préjugés de race, ceux-ci cèdent à l’appât de l’or ; ils tombent bientôt, d’ailleurs, dans la plus noire misère, privés qu’ils sont du contact vivifiant de la terre maternelle, et de la nécessité saine du travail quotidien ; désormais déracinés sans retour possible, ils vont au prolétariat des villes et aux angoisses du salariat. Seul l’un d’entre eux, Jacob, résiste longtemps sans faiblesse aux séductions comme aux persécutions du tentateur ; mais il succombe enfin, le dernier, dans cette lutte inégale contre toutes les puissances de l’argent. C’est là un symbole assez frappant de l’antagonisme entre le passé patriarcal et le présent individualiste ; et, inspirée sans doute en partie par la décadence d’Alpel, cette page de critique sociale rappelle certains chapitres du Capital, de Karl Marx. Le théoricien du collectivisme avait, lui, aussi, constaté en Écosse cette expropriation de l’homme par le gibier, et signalé les conséquences également tragiques de pareilles fantaisies sportives, des cantons entiers ayant été dépeuplés par les landlords au profit des daims et des grouses. — Nous ignorons si ce danger menace d’une façon bien sérieuse la vie paysanne en Autriche ; mais le récit des dévastations commises par les cerfs, ou des démêlés sanglans entre paysans et gardes-chasse revient souvent sous la plume de Rosegger.
Martin der Mann (Martin l’Homme) (1889) est peut-être la plus hardie de ces expériences littéraires, auxquelles l’auteur assagi faisait allusion, dans la phrase que nous avons citée, et qui disait ses regrets d’avoir cherché quelques inspirations chez les philosophes de profession. — Une jeune princesse, née dans la ligne collatérale d’une maison souveraine, se trouve appelée inopinément au trône par l’assassinat du duc régnant. Elevée jadis à la campagne, de la façon la plus simple, elle demeure en relations affectueuses avec une amie d’enfance, la paysanne Marie : elle lui rend compte des actes de son gouvernement, et réclame les conseils de cette humble ménagère pour mieux guider le char de l’Etat. — Voilà qui nous transporte déjà