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L’OUVRIÈRE AUX ÉTATS-UNIS


I. — PITTSBURG

Les observations qui suivent ont été faites uniquement à dessein de constater par expérience personnelle la condition de l’ouvrière en Amérique. Pour mieux comprendre ses besoins, pour découvrir et adopter son point de vue, tant moral qu’esthétique, je me suis jointe à elle dans son labeur quotidien, j’ai porté ses fardeaux, partagé ses plaisirs, j’ai vécu comme elle vit. Peut-être eût-il été impossible d’agir ainsi en aucun autre pays. Mais, aux États-Unis, tout homme est pris pour ce qu’il vaut. Notre jeune société a reçu et fêté dans ses salons, sans discussion aucune, plus d’une ouvrière devenue riche. L’expérience contraire, en sociologie, n’a jamais sans doute été tentée ; mais, du moment où je me classai parmi les pauvres travailleuses à la recherche d’un gagne-pain, prête à fournir une tâche de dix heures par jour dans les fabriques, on me crut sur parole et, tant que dura l’épreuve, c’est-à-dire des semaines de suite, je ne fus l’objet d’aucun soupçon.

N’ayant pas de métier, j’avais dû me présenter comme apprentie, accepter toute besogne qui me serait offerte. Je choisis Pittsburg pour théâtre de mes débuts ; le caractère de ce grand centre industriel est déterminé par sa population ouvrière. Il