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l’obstination de Sa Majesté, notre agent dut refuser d’entrer en communication officielle ou officieuse avec le gouvernement siamois, tant qu’il n’aurait pas obtenu une audience solennelle. Le ministre des Affaires étrangères, le prince Devawangse, demi-frère du roi, souleva difficultés sur difficultés ; pendant un mois, sous prétexte de maladie, les conférences furent interrompues.

En réalité, c’était le Foreign Office qui dirigeait les négociations. Si la moindre divergence de vues se produisait à Bangkok, à Paris l’ambassadeur d’Angleterre intervenait près de notre ministre des Affaires étrangères et se plaignait des exigences du plénipotentiaire. Celui-ci ne pouvait même pas correspondre régulièrement avec son gouvernement, les lignes télégraphiques de Saigon et de Maulmein, soi-disant en réparation, ne laissaient pas passer ses télégrammes ; ils devaient emprunter la voie Malte-Singapore avec transbordement sur caboteurs. A mesure que nous faisions des concessions, les prétentions des Siamois s’accroissaient ; un peu plus, ils nous auraient demandé des excuses.

Fatigué de ces lenteurs calculées et de cette mauvaise foi, notre agent se décida, dans l’après-midi du vendredi 29 septembre, à remettre au prince Devawangse le texte définitif, ne varietur, du traité et de la convention annexe, le prévenant que si le dimanche matin, 1er octobre, à neuf heures, l’accord complet n’avait pu se faire, il se verrait dans la nécessité de quitter Bangkok. Le prince demanda une prolongation de délai, invoquant la nécessité de consulter verbalement le roi, retourné à Bang-Païn. C’eût été remettre la décision au Foreign Office, quarante-huit heures suffisant pour l’échange de télégrammes avec Londres. Aussi le plénipotentiaire maintint-il sa déclaration. Malgré les insistances du consul britannique, le capitaine John, et du conseiller belge, M. Rollin-Jacquemin, Sa Majesté comprenant enfin qu’il était impossible d’éluder davantage sans courir une périlleuse aventure, donna à son ministre l’ordre de signer l’instrument de paix, et le dimanche 1er octobre, à neuf heures, les expéditions du traité et de la convention annexe furent échangées entre les deux plénipotentiaires.

Quand le lendemain, le marquis de Dufferin vint adresser de nouvelles représentations au quai d’Orsay, M. Develle put répondre à l’ambassadeur que, la France et le Siam étant complètement d’accord, son intervention n’avait plus d’objet.