Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principal Grosgurin et plusieurs de ses miliciens furent assassinés ; à Kong, les troupes des deux nations en vinrent aux mains.


Nous ne pouvions accepter cette situation qui nous déconsidérait aux yeux de nos nouveaux sujets annamites et, au mois de juillet 1893, un plénipotentiaire fut envoyé à Bangkok. Ses instructions, rédigées sous l’inspiration de MM. Hanotaux et Delcassé, étaient d’une grande netteté. Il devait exiger du gouvernement siamois les réparations qui nous étaient dues et régler les difficultés pendantes. Un bataillon de la légion étrangère, à effectif complet, fut embarqué à Oran pour renforcer les garnisons de Cochinchine mises sur le pied de guerre.

Des ordres télégraphiques, adressés à la division navale, insuffisamment clairs, mal transmis, ou retardés, empêchèrent l’exécution de ce programme. Le 13 juillet, le commandant Bories franchit les passes de Packnam, à l’entrée du Ménam, sous le feu des forts et de la flottille siamoise. Ce fait d’armes héroïque, qui nous coûta quelques hommes, honore notre marine mais ne pouvait amener de résultat, faute de réserves et de troupes de débarquement.

Parvenu au mouillage de Bangkok, pendant la nuit, le commandant de notre escadrille était sans doute maître de la situation et aurait pu dicter ses volontés. Mais, le lendemain matin, 14 juillet, les Siamois, reconnaissant l’insuffisance de nos forces, se remirent de leur panique et se préparèrent à prendre leur revanche. Il fallut négocier pour nous tirer de ce mauvais pas. D’autre part, le gouvernement britannique qui eût probablement accepté le fait accompli, voyant nos hésitations, adressa des représentations au quai d’Orsay. Si nos renseignemens sont exacts, — et nous avons lieu de le croire, — une rupture entre la France et l’Angleterre fut sur le point de se produire.

Nous nous trouvions en posture délicate ; si les Siamois étaient humiliés, ils n’avaient pas perdu la face et, confians dans la protection de leur puissant allié, s’efforçaient de se dérober aux engagemens de l’ultimatum notifié par l’amiral Humann, et tout d’abord accepté par eux. A son débarquement, le représentant de la République fut abreuvé de mauvais procédés ; le roi, afin de ne pas le recevoir, se retira à Bang-Païn, dans sa villa du haut Ménam. Pour faire respecter sa dignité et vaincre