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vue matériel pour la femme pauvre, assurerait un avancement moral à la jeune ouvrière soutenue par ses parens et profiterait, sous le rapport de l’esthétique, au pays tout entier.

Ce plan est de débarrasser les fabriques de toutes les femmes que leur famille entretient complètement ou en partie et d’offrir à celles-ci, pour les détourner du travail à la machine, une instruction gratuite dans les arts industriels, l’apprentissage d’un métier, la possibilité d’atteindre par l’éducation à un ordre supérieur d’ouvrières. Un tel remède pourrait sembler chimérique partout ailleurs qu’aux États-Unis, où des dons immenses d’argent et d’énergie sont faits spontanément pour hâter tout ce qui est progrès et avantages dédiés au peuple. Déjà ma suggestion à peine exprimée a éveillé un écho ; une réponse m’est venue de certaine école de Boston, qui a la libre disposition de trois millions de dollars pour l’enseignement industriel des femmes. La tentative de ressusciter certaines industries manuelles, anéanties par les machines, se poursuit en Amérique et a rencontré un succès pratique à Chicago, dans ce foyer de bienfaisance qu’on appelle Hull house, à Boston et en Virginie. En attendant la formation d’une véritable classe de main-d’œuvre qui puisse produire des travaux d’art industriel dignes de ce nom, j’espère voir bientôt un certain nombre de jeunes filles s’arracher à une activité frénétique et sans âme pour revenir au foyer, où elles trouveront des possibilités de développement en faisant coopérer au travail manuel l’esprit et le goût. J’espère qu’occupées ainsi, elles se réconcilieront avec leur destinée de femme. N’étant plus sur un pied de rivalité vis-à-vis de l’homme, elles comprendront que, dans leur propre sphère seulement, elles peuvent être ses égales ; peut-être même arriveront-elles à conclure que, pour la femme, la seule manière de s’émanciper est d’accepter la protection de l’homme.


B. VAN VORST.