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incessant. On a sous les yeux le phénomène appelé « mouvement brownien. » Le spectacle de cette agitation a frappé tous les observateurs, depuis l’invention de la loupe ou microscope simple. Mais le botaniste anglais Brown, en 1827, en fit, le premier, l’objet d’une étude suivie et lui laissa son nom. L’explication exacte s’en est fait attendre plus longtemps. Elle a été donnée, en 1894, par le savant physicien de la Faculté de Lyon, M. Gouy.

L’observateur qui, pour la première fois, regarde au microscope une goutte d’eau de rivière ou d’eau de mare est frappé de surprise et d’admiration au spectacle de l’agitation qui se révèle à lui. Des infusoires, des articulés microscopiques, des micro-organismes variés peuplent le champ et l’animent de leurs ébats : mais, en même temps, toutes sortes de particules s’agitent aussi, qui ne sont, en réalité, que des détritus organiques, des poussières minérales, des débris de toute espèce. Bien souvent, les mouvemens singuliers de ces granulations, qui simulent, jusqu’à un certain point, ceux des êtres vivans, ont embarrassé l’observateur ou l’ont induit en erreur ; et les corps qui les manifestent ont été pris pour des animalcules, ou pour des bactéries.

Mais il est, d’ordinaire, assez facile d’éviter cette confusion. Le mouvement brownien est une sorte d’oscillation, de trépidation, qui ne s’accompagne pas de translation : c’est une danse de Saint-Guy incessante. Ce piétinement sur place le distingue des mouvemens de déplacement habituels aux êtres animés. Chaque grain exécute sa danse particulière ; chacun se trémousse pour son compte, indépendamment du voisin. Il y a toutefois, dans l’exécution de toutes ces oscillations individuelles, une sorte d’ordre et de régularité qui tient à ce que leurs amplitudes ne sont pas extrêmement différentes. Les plus grosses particules sont les plus lentes : au-dessus de quatre millièmes de millimètre de diamètre, elles cessent à peu près d’être mobiles. Les plus petites sont les plus alertes. Au dernier degré de petitesse visible au microscope, leur mouvement est extrêmement rapide et ne permet de les apercevoir que par instans. Il est vraisemblable qu’il s’accélérerait encore pour les corps plus petits que le dixième de micron (millième de millimètre) ; mais ceux-ci sont destinés à échapper éternellement à notre vue.

M. Gouy a fait remarquer que le mouvement ne dépendait ni de la nature ni de la forme des particules. La nature du liquide même n’a que peu d’influence ; son degré de viscosité est seul en jeu. Les mouvemens sont plus vifs, en effet, dans l’alcool et l’éther, liquides, très