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Le problème le plus intéressant et le plus nouveau de l’histoire des alliages consiste précisément à fixer les relations qui existent entre leur constitution intime ou chimique et leurs caractères physiques. On professait l’opinion, il y a quelques années, que la composition chimique d’un alliage était une chose, et que sa constitution physique, avec ses propriétés diverses, en était une autre, toute différente. On avait tendance, ainsi, à séparer la condition physique du métal, — qui n’intéresse que la molécule et ne se traduit que par ses arrangemens divers, — de sa condition chimique, qui n’intéresse que l’atome et traduit l’arrangement divers des atomes métalliques à l’intérieur de la molécule de l’alliage.

Dans l’histoire des alliages, on n’accordait d’importance qu’aux circonstances physiques. L’éminent chimiste Boussingault déclarait que, « dans la question touchant à la constitution de l’acier destiné à la fabrication des armes, la chimie est souvent intervenue très inopportunément. » C’est l’opinion à laquelle s’est arrêté Ch. Duguet dans son ouvrage classique sur la déformation des corps solides. Ayant en vue spécialement les fers et les aciers, il déclare que les déformations, les limites d’élasticité, les résistances, dépendent essentiellement du travail mécanique que le métal a subi à froid, c’est-à-dire de l’état moléculaire qu’il a acquis ainsi, et qu’elles sont complètement indépendantes de la composition chimique quantitative.

Cette manière de voir est certainement trop exclusive. Il semble qu’elle tende présentement à se modifier. Ch. Guillaume, dans ses belles études sur les aciers au nickel, rattache les principales particularités de ces alliages à des changemens d’équilibre chimique, probablement plus fréquens, plus nombreux et plus importans qu’on ne le supposait. Déjà, M. Le Chatelier, en 1895, recherchant les combinaisons définies dans les alliages métalliques, signalait celles qui existent dans le bronze ordinaire et dans le bronze d’aluminium. Quelques-unes de ces combinaisons sont dures, cassantes, comme les combinaisons métalliques du phosphore, du soufre et du carbone : elles ne participent en rien à la malléabilité des métaux constituans. Le fait que des métaux mous, comme le cuivre, l’étain, le zinc et l’aluminium, peuvent donner des alliages très durs, doit être rapporté à l’existence de ces combinaisons chimiques, dont les propriétés, comme on le sait, n’ont pas de ressemblance nécessaire avec celles des composans.