Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès lors, et si le gouvernement est réduit à procéder par la voie diplomatique, c’est peut-être lui demander l’impossible que d’exiger qu’il supprime d’un seul coup, au moyen d’un traité librement discuté et librement consenti, de part et d’autre, toutes nos difficultés pendantes avec Bangkok. En résoudre quelques-unes est déjà un résultat appréciable. Nous ne croyons pas du tout que le traité du 7 octobre 1902 soit le dernier mot sur la matière. S’il avait la prétention de l’épuiser, il se tromperait, et rien ne serait plus facile que de montrer à quel point il est incomplet. Mais, pour bien juger ce traité, il faut le comparer à celui du 3 octobre 1893. A coup sûr, il est différent. Si l’on nous demande quel est le meilleur des deux ou quel est le pire, nous répondrons que cela dépend de la politique que l’on veut suivre à l’égard du Siam, car les traités ne sont que des moyens.

Celui de 1893 a été l’œuvre de M. Le Myre de Vilers, qui a été envoyé à Bangkok pour le conclure. Il a dit lui-même comment il avait opéré, et depuis lors « Un ancien ministre, » qui semble avoir été très en situation de savoir ce qui s’est passé à cette époque, en a fait un récit certainement exact et fidèle. M. Develle, alors ministre des Affaires étrangères, et M. Le Myre de Vilers, qui a exécuté ses instructions avec beaucoup d’habileté et de fermeté, ont tiré de la situation tout ce qu’on pouvait en tirer. On sait comment, la passe de Pack-Nam ayant été forcée, nos navires étaient venus s’embosser devant Bangkok. A une aussi grande distance de la mère patrie, ils avaient un peu échappé à l’action du gouvernement, qui ne pouvait pas s’exercer sur eux au jour le jour, et il y avait eu surprise pour tout le monde, sans nous excepter nous-mêmes, dans la manière dont les événemens s’étaient précipités. Le coup une fois fait, nous étions engagés : les Siamois avaient brûlé de la poudre contre nos navires ; nous ne pouvions sortir de Bangkok qu’après avoir obtenu des réparations et des satisfactions éclatantes. Nous les avons obtenues, et nous y avons eu d’autant plus de mérite que l’Angleterre avait pris, au premier abord, fait et cause pour le Siam. Elle l’encourageait dans ses résistances et se montrait prête à le soutenir. Nous l’apercevions très distinctement derrière le rideau siamois. Le public ne s’est pas douté de ce qu’a été à ce moment l’imminence du danger. On a été surpris en France lorsqu’on a su par la suite, et de la bouche même de lord Rosebery, que nous avions été très près de la guerre ; mais cette surprise du public n’en a pas été une pour notre ministère des Affaires étrangères, qui, lui, n’avait rien ignoré.

L’article signé : « Un ancien ministre, » et auquel nous avons déjà