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poussait jusqu’à la réserve d’infanterie de l’armée. La situation était fort compromise. Le duc d’Enghien, informé du désastre, rassemble la cavalerie de son aile droite, passe par derrière toute la ligne de l’infanterie des Espagnols et vient prendre à des la cavalerie de Mello qui poursuivait nos troupes : cette manœuvre, aussi hardie qu’imprévue, jette le désordre chez l’ennemi et transforme leur victoire en déroute. Toutefois, l’infanterie espagnole du comte de Fuentès était encore intacte. Le duc d’Enghien veut profiter de son succès pour l’attaquer et la mettre hors de cause avant l’arrivée d’un renfort de 6 000 hommes attendus d’un instant à l’autre. Mais par trois fois il est arrêté par le feu de la mousqueterie et de l’artillerie. Il fait alors avancer sa réserve d’infanterie dont l’entrée en ligne, combinée avec l’action de la cavalerie, assure le succès de la journée.

Dès cette époque, se dessine la tendance des dragons à se transformer en cavaliers. En 1645, le maréchal de la Ferté lève le premier régiment de dragons, qui, à la bataille de Lens, se joint aux fusiliers à cheval et charge avec la cavalerie. Néanmoins redit du 25 juillet 1605 porte que les dragons tiennent rang dans l’infanterie. L’édit du 19 mai 1669, en créant les corps de dragons à deux régimens leur donne un état-major spécial indépendant de ceux de la cavalerie et de l’infanterie. Les dragons étaient alors habillés comme la cavalerie, mais avec des bottines au lieu de bottes. Ils avaient un fusil à baïonnette, un pistolet et un outil.

Les voici maintenant à l’armée de Turenne. Sous la main ferme de cet homme de guerre, illustre entre tous, les dragons prennent une importance qui ne fut jamais dépassée.

Sans eux, il n’est pas d’opération importante. On les voit attaquer les bois et les villages, traverser les rivières à la nage, construire des nacelles en osier pour franchir des fossés, attaquer des retranchemens, et, dans les sièges, monter à l’assaut avec l’infanterie.

Le 16 juin 1675, à la bataille de Sinsheim, 400 dragons de la reine mettent pied à terre, chassent l’ennemi des bords de l’Ill, le délogent des vignes et des jardins et, en moins d’une heure, sont maîtres des abords. Trouvant les ponts rompus ils se jettent à l’eau, s’emparent de la ville et du château.

Le 4 octobre à Ensisheim, Turenne commence l’action en faisant attaquer le bois situé en avant de notre droite par les