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croit à rien d’autre que ce qu’il voit dans son catéchisme ou son évangile, et nomme tout le reste superstition. » — Ici[1], en présence d’une hallucination fréquente chez ces imaginations actives, celle d’un forgeron, qui croit entendre pleurer dans le foyer de sa forge les âmes du purgatoire, c’est encore le curé qui cherche à écarter de lui ces rêveries dangereuses. — Là[2], alors qu’une servante accuse, comme nous l’avons dit, le jeune Rosegger de relations avec Satan pour ses premiers essais littéraires, il place dans la bouche du curé de Saint-Kathrein une plaisanterie un peu libre peut-être, mais née à tout le moins d’un sentiment généreux. En effet, la vieille allant jusqu’à faire allusion à un bûcher prochainement nécessaire : « Depuis la construction des chemins de fer, le bois est devenu trop cher, dit le brave homme. — Tiens ! reprend aigrement la harpie, et pourtant, en enfer, on chauffe pendant toute l’éternité. — Possible qu’ils y brûlent de la houille, » conclut le curé en haussant les épaules.

Citons encore ce bon pasteur[3] qui va placer de sa main une petite croix sur la tombe d’un suicidé enseveli hors du champ consacré, et murmure une prière pour le pauvre pécheur, tandis que, par contraste, ses paroissiens bornés se livrent aux plus grandes absurdités afin de retirer à l’infortuné le bénéfice des honneurs funèbres qui lui ont d’abord été rendus par erreur et dans l’ignorance de son crime. Excellent thème à plaisanteries villageoises : ils imagineront, par exemple, de sonner la cloche avec le battant accroché à l’envers, pour révoquer le glas pieux, et de recommencer le festin des funérailles, le des tourné à la table, afin d’effacer la trace du précédent repas d’honneur.

C’est un prélat, qui tient à Philippe le Haïsseur, cette incarnation de la violence confessionnelle, le discours suivant : « Mon cher ami, votre zèle pour l’honneur de l’Eglise chrétienne est fort louable ; mais, avant toutes choses, il serait nécessaire que vous devinssiez vous-même un chrétien. Pas de protestation, mon enfant ! Vous êtes possédé de l’infernal démon de la haine, et le Christ Notre-Seigneur a dit : Aimez-vous les uns les autres, aimez aussi vos ennemis. C’est même par-là que notre religion se distingue de celle des païens et des Juifs, par ce fait qu’elle est amour, et pur amour. Par là, la religion chrétienne est divine ;

  1. Die Aelpler, « le Diseur de Patenôtres. »
  2. Als ich jung noch war, « Quand je devins libre-censeur. »
  3. Idyllen aus einer untergehenden Welt.