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calmer et de consoler un cœur anxieux à l’égale d’une prière confiante. Oh ! ne jetez pas la torche incendiaire du doute dans ce sanctuaire de l’humanité souffrante. Ou, si vous l’osez, ressuscitez donc en vous, au profit des malheureux, cette toute-puissance et cet amour fécond, qu’ils attendent avec tant de confiance de Dieu et de ses saints. Vous en sentez-vous bien capables ? »

Le maître d’école dans la forêt écrivait sur les feuillets de son journal : « Quiconque a, une seule fois, prié de tout son cœur devant la croix, ne perdra plus de vue ce type de l’amour et du sacrifice de soi-même. Qui s’est une fois enthousiasmé pour le doux culte de la mère de Dieu, qui a frissonné d’espoir à l’idée de la résurrection des morts et de la gloire éternelle des cieux, celui-là sera, je crois, armé pour toujours contre le démon de la négation : il conservera une confiance inébranlable dans la victoire finale du beau et du bon. » Mais les professions de foi de Rosegger se font plus nettes avec les années : « Mon étoile fut le christianisme, dit-il à la fin de sa confession biographique, Mein Weltleben : en lui j’ai grandi, par lui s’est façonnée mon âme ; de lui j’ai tiré force et courage, en son sein j’ai trouvé le repos. » Ou encore[1] : « J’aime les fêtes de l’Eglise catholique. Peut-être le temps béni de l’enfance et de la jeunesse y ressuscitent-ils pour moi dans un souvenir ? Peut-être ce culte grandiose m’enchante-t-il pour savoir unir le bon au beau, et les placer tous deux à la portée du peuple ? Les défauts et les abus qui en résultent, on apprend avec le temps à les excuser, parce qu’on en vient à reconnaître que rien ne saurait être parfait sur cette terre… On oublie plus d’une laideur morale, plus d’un trait de pharisaïsme, au rayonnement des cierges, aux accens des orgues, au chant des fidèles. Entouré de cœurs qui prient, qui pleurent et se recueillent, on célèbre en silence et en liberté pour soi-même son office divin. »

Dans le Village anéanti[2], ce récit animé d’une émotion non feinte et que nous avons cité déjà, Rosegger a fait une véritable amende honorable par la bouche d’un émigré, revenu d’Amérique après trente ans pour contempler les ruines de son village natal. Jadis, jeune étudiant révolutionnaire, il fut le chef du

  1. Allerhand Leute, Der Funken-Kerl.
  2. Hochenfeuer. Rosegger vient de rééditer cette significative nouvelle à part dans une collection de classiques populaires.