Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seule avait souscrite. Les cœurs, à peine reposés, étaient de nouveau gonflés de haine, les esprits et les courages prêts à la lutte : tant le monde supporte mal le repos !

Revenons un peu en arrière. Au commencement de l’année 1617, le jeune prince palatin du Rhin, Frédéric V, gendre du roi d’Angleterre Jacques Ier, et l’un des chefs du calvinisme en Allemagne, voulant être renseigné exactement sur la situation de l’Empire, avait envoyé deux ambassadeurs, l’un en Bohême et l’autre en Autriche. Au retour, l’un de ses ambassadeurs, Christophe de Donna, avait déclaré « que la monarchie autrichienne était en pleine décomposition et qu’après la mort de l’empereur Mathias, elle serait démembrée. »

L’Autriche traversait, en effet, à cette époque, une crise très grave et où son existence était en jeu.

Les peuples qui composent l’Empire sont de races différentes ; ils parlent des idiomes divers ; ils sont attachés à des religions rivales. Aucun centre important ne se subordonne les diverses provinces. Ni la mer, ni les montagnes, ni les vallées n’imposent à ces peuples une étroite union géographique, économique ou politique ; le lien qui les attache menace toujours de se rompre.

En 1617, l’unité de l’Empire ne paraissait plus dépendre que de la vie de l’empereur Mathias. Celui-ci avait arraché successivement, à son frère Rodolphe, les couronnes de Bohême, de Hongrie, d’Autriche, et enfin lui avait succédé à la couronne impériale (13 juin 1612). Mais le cadet s’était montré presque aussi incapable que l’aîné. Il avait déjà dépassé soixante ans ; il était de santé débile ; il n’avait pas d’enfans. Sa mort, que l’on sentait prochaine, allait tout mettre en question. Les lois de l’hérédité et celles de l’élection n’étaient ni assez claires ni assez autorisées pour qu’on fût assuré que les vastes possessions sur lesquelles régnait Mathias passeraient sans trouble aux mains de ses successeurs.

Ce grave problème politique se compliquait de la plus redoutable question religieuse. L’Allemagne subirait-elle l’influence du Nord protestant, ou bien resterait-elle attachée à la religion catholique qui dominait dans les provinces du Sud ? Le procès était pendant, depuis Charles-Quint. La paix d’Augsbourg n’avait été qu’un armistice. La question des biens ecclésiastiques n’était pas réglée : les laisser aux détenteurs protestans, c’était dépouiller des propriétaires qui se proclamaient légitimes ; les réclamer,