Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réformée et s’était allié, pendant tout le cours des guerres de religion, avec les protestans de France. Ces comtes palatins régnaient à Heidelberg. Leur magnifique château, planté sur la colline, dominait le cours du Rhin et « cette agréable campagne que le fleuve le plus noble va arrosant. » De là, ils étaient en relation continuelle avec l’autre rive. En religion, les princes palatins s’étaient attachés plus particulièrement au calvinisme. Leur histoire était étroitement unie, depuis cinquante ans, à celle du protestantisme français et à celle des protestans de Hollande. Allemands, ils étaient donc, par leur situation et par leurs relations, un peu extérieurs à l’Allemagne.

La mère du comte palatin Frédéric V, Loyse Juliane, appartenait à cette illustre famille d’Orange-Nassau qui réunissait en elle toutes les gloires du protestantisme occidental. Son père étant mort en 1610, il avait eu pour tuteur son parent et voisin Henri de la Tour d’Auvergne, comte de Turenne, duc de Bouillon et prince de Sedan, chef reconnu du protestantisme français.

Ce dernier était un personnage considérable. Converti au protestantisme, autant par ambition que par conviction, il s’était, par son mariage avec Charlotte de la Marck, héritière des Bouillon, et par la condescendance du roi Henri IV, assuré de la forte place de Sedan que sa femme, en mourant, après deux ans de mariage, lui avait léguée. Installé dans ce pays de « marche » qui avait su garder son indépendance, il avait épousé, en secondes noces, Elisabeth de Nassau, fille de Guillaume d’Orange, et ainsi il servait de trait d’union entre les différentes familles souveraines, toutes calvinistes, qui dominaient les régions d’entre Meuse et Rhin. Il est difficile de démêler ses ambitions secrètes. Homme d’Etat renommé, il caressait probablement, en ses méditations profondes, le souvenir de cette maison de Bourgogne qui, un moment, s’était taillé un empire entre l’Allemagne et la France. Son génie inquiet intriguait sans cesse dans les affaires des deux pays voisins. Conjuré toujours prêt, mais jamais sûr, le protestantisme lui était un précieux auxiliaire. Il avait lié partie avec ses parens, les Nassau de Hollande, et il était en communication constante avec les directeurs de tout le mouvement anticatholique en Europe. Il avait vécu en mauvaise intelligence avec Henri IV. Mais celui-ci l’avait ménagé. Le Roi craignait l’humeur entreprenante du duc, l’influence qu’il exerçait, l’autorité qu’il savait prendre sur les