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évolutive admettant des régressions autant que des progrès, sans nier même que, dans le sens moral du mot, il arrive que les régressions sont des progrès incomparables.

Ceci est d’une certaine importance pour la fameuse querelle des anciens et des modernes, qui, bien entendu, dure toujours Les partisans des anciens disent que la loi du progrès qui s’applique aux choses de science ne s’applique pas aux choses d’art. Je le crois bien, et non seulement, mais encore. La loi du progrès s’applique si peu aux choses d’art que peut-être s’y applique-t-elle en sens inverse. Un progrès, c’est-à-dire une plus grande beauté, n’est souvent, en choses d’art, qu’un retour à la manière d’être primitive, non par imitation, grands Dieux ! par instinct synthétique, au contraire, et force compréhensive du génie ; mais enfin c’est un retour à l’état primitif, et par conséquent, loin qu’une littérature soit en progrès quand elle progresse, elle est ou elle peut être en progrès quand elle recule, quand elle semble reculer, et vraiment quand elle recule au sens scientifique du mot.


… Apollon nous devrait
Rendre Homère. Ah ! s’il le rendait !


S’il le rendait, ce serait littéralement un effroyable recul, et ce serait un de ces gains, une de ces victoires, un de ces accroissemens, je ne sais pas comment m’exprimer, qu’il est difficile de ne pas nommer progrès.

Il est donc impossible d’appliquer la loi du progrès aux choses d’art, mais on peut leur appliquer la loi d’évolution, qui est toute différente et qui admet les régressions et qui ne les condamne pas comme des infériorités.

Une observation générale encore, que M. Ouvré doit partie à la considération de cette loi qui le soutient, partie à l’observation et à l’étude des œuvres qu’il a lues et pénétrées, c’est celle-ci, que les Grecs à la fois se sont beaucoup souciés de composition, étant architectes, et longtemps n’ont pas été capables de composition. Cela est évident à lire les primitifs comme Homère et comme Hésiode et reste assez vrai pour Pindare, quelques efforts que l’on ait faits pour nous faire comprendre la composition latente des Olympiques sous leur désordre apparent. « Ce seul fait, dit M. Ouvré, de l’acharnement qu’on a mis à découper et à reconstruire ces poèmes annonce qu’ils nous causent quelque trouble et qu’ils n’en donnaient point aux Hellènes. » Qu’on nous