accorde qu’ils ne sont pas composés très rigoureusement. C’est que les Grecs n’ont jamais composé très rigoureusement, et non pas plus Hésiode qu’Homère et non pas plus Platon qu’Aristophane. Les philosophes contemporains de Pindare ne composent pas plus que lui. Leurs systèmes « ne sont pas proprement des systèmes et ont rarement de la tenue dialectique ; ils se composent d’une assertion fréquemment générale et de conjectures éparses. » A plus forte raison un Pindare n’était pas force ; de composer, d’abord parce que l’émotion, réelle ou supposée, permet ou impose un certain désordre au moins superficiel, ensuite, remarque extrêmement juste, parce que « le parallélisme et l’architecture extérieure du rythme fournissaient un principe de régularité qui dispensait d’en chercher un autre. »
C’est une remarque « profonde » ou au moins très sagace de Wolff que sero Græci didicerunt ponere totum in poesi. La composition bien ordonnée est un des traits des siècles classiques, mais non pas des âges archaïques, qui n’ont mérité de devenir classiques que par le génie d’invention de leurs auteurs. La composition est la marque, Dieu me garde de dire seulement de l’intervention de l’esprit analytique et scientifique dans l’œuvre d’art ; elle est la marque d’abord de la maîtrise de l’artiste, de sa puissance, de sa supériorité relativement à son œuvre, de son aptitude à dominer son œuvre et à la posséder sans qu’elle le possède. Un homme comme Gœthe eût bien composé du temps d’Homère et il compose si bien, quand il le veut, qu’on est autorisé à croire que, quand il ne compose pas, c’est qu’il a ses raisons, qu’on peut deviner, du reste, pour ne pas le faire. Dante compose admirablement. Mais il faut ajouter que l’intervention de l’esprit analytique et scientifique a sa part dans le souci de la composition et dans l’art de composer.
Dante compose bien ; mais c’est qu’il enseigne. Il n’est pas du tout un fantaisiste. Il est avant tout un théologien et il enseigne sa théologie, à quoi il rattache ses passions politiques comme il est arrivé quelquefois. La composition est la marque des siècles classiques, et qui sont devenus classiques en grande partie à cause de cela ; où, d’une part, se sont rencontrés des génies puissans, maîtres de l’œuvre qu’ils enfantaient et, d’autre part, où l’esprit scientifique était déjà assez fort pour pénétrer les esprits littéraires sans les dessécher. On peut mesurer les progrès de l’esprit scientifique dans un peuple au plus ou moins