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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/194

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rentrer dans leur famille où le repos est autrement utile et doux que celui qu’ils prennent loin d’elle dans nos dépôts, quelque confortable relatif que nous nous efforcions d’y ajouter chaque jour. Cela est incompatible avec la rigidité absolue d’une loi inviolable et devenue oppressive pour ceux-là mêmes qu’elle a pour but de protéger.

Après ces observations générales sur le principe même de la réglementation du service de marche, signalons une seconde erreur du projet de loi, celle (Art. 1er § 4) d’après laquelle le temps d’arrêt entre deux trains (ou battement) sera considéré comme temps de travail lorsqu’il sera inférieur à quatre heures. Il suffit, pour le comprendre, de voir à quelles conséquences bizarres ce principe conduit dans la pratique. Un agent partant de Dijon, sa résidence, à cinq heures du matin arrive à Lyon à neuf heures, le premier train qui peut le ramener chez lui part à midi et arrive à Dijon à quatre heures du soir. Si l’agent prend ce second train, il aura fait huit heures de travail effectif dans sa journée et, en supposant qu’il recommence le lendemain, il aurait treize heures de repos dans sa famille. La loi votée par la Chambre interdit cette combinaison, car les trois heures de battement comptées comme travail conduisent à un travail total de onze heures sur vingt-quatre. On se trouve donc, du fait de la loi, oppressive, je le répète, pour l’agent qu’elle prétend protéger, dans l’impossibilité de le ramener tous les jours dans sa famille, bien que la marche des trains s’y prête parfaitement.

C’est ce que M. Rose, rapporteur de la commission du travail, faisait remarquer à la Chambre avec autant de raison que peu de succès : « Quand un mécanicien, disait-il, aura conduit un tram à destination et que le travail effectif lui aura pris par exemple quatre heures, s’il a trois heures de battement, la compagnie ne pourra plus le ramener chez lui, parce qu’elle n’aura plus que trois heures à lui imposer. Elle le laissera où il est. C’est un grave inconvénient dont l’agent sera le premier à se plaindre ; il sera obligé de rester 14 heures au moins loin de sa femme et de ses enfans. Quand il se sera reposé quelques heures, il ira au cabaret, dépensera son argent et sera soumis à des entraînemens de toute nature. » (Journal officiel, p. 2171.) Et quand, l’interrompant, M. Berteaux s’écrie : « Les ouvriers sont unanimes à réclamer ce