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J’arrive maintenant aux conducteurs de train qui jouent, eux aussi, leur rôle dans la sécurité et dont il est naturel, à ce titre, de régler, dans des conditions convenables, le travail maximum et le minimum de repos.

On ne le peut faire, et pour les raisons mêmes que je viens de développer, par périodes strictes de 24 heures. Pour eux, comme pour les mécaniciens, il faut, en raison des variations inévitables dans la nature du travail de chaque jour, considérer une période assez longue, quinze jours aujourd’hui, leur permettant d’assurer le mieux possible le service des trains, de nature et de vitesse variables, qu’ils accompagnent.

Je dis qu’ils accompagnent ; pour les mécaniciens, je disais qu’ils conduisent, et ces mots seuls indiquent, dans l’importance du travail, de la responsabilité et de la fatigue des uns et des autres, une différence capitale dont l’arrêté ministériel en vigueur tient compte avec raison. Le projet de loi la méconnaît de propos délibéré, et c’est la quatrième critique essentielle qu’on doit lui adresser, en fixant des règles et des limites identiques pour le travail et le repos des uns et des autres.

Le mécanicien est constamment occupé à surveiller la machine, la voie et les signaux ; son chauffeur, constamment occupé par le chargement du foyer et l’alimentation de la chaudière. Les conducteurs sont, au contraire, inoccupés pendant une grande partie du trajet : dans les trains rapides, quand le conducteur-chef a classé ses feuilles de bagages, mis en ordre ses écritures, il n’a plus qu’à s’asseoir dans sa vigie et à surveiller la marche du train ; prendre quelques bagages aux gares d’arrêt, toutes les deux ou trois heures, inscrire sur son journal les heures de départ et d’arrivée, donner le signal du départ : voilà à quoi se réduit son service ; le conducteur de queue n’a qu’à rester dans sa vigie, et à se tenir prêt à aller couvrir le train, en cas d’arrêt intempestif sur la voie. — Dans les trains omnibus, où les arrêts sont fréquens, le conducteur-chef est plus occupé par le service des bagages à livrer et à recevoir, le conducteur de queue par celui des portières. — Dans les trains de marchandises, enfin, tous les conducteurs coopèrent au service des freins à main ; mais, dans aucun cas, pour une même durée de travail, la fatigue de ces agens n’approche, même de très loin, de celle des mécaniciens et chauffeurs.