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III

Revenons au rayonnement vrai des corps radio-actifs pour en indiquer quelques caractères essentiels.

Les rayons de Becquerel agissent sur la plaque photographique et déchargent les corps électrisés. C’est au moyen de ces deux caractères qu’on les décèle et que l’on apprécie leur intensité. Ils rendent lumineux les corps fluorescens comme le platinocyanure de baryum : d’où un troisième moyen de les reconnaître. Ils peuvent même rendre lumineux le corps qui les émet ; et c’est précisément le cas du radium. Le radium est donc lumineux : il l’est spontanément, il l’est toujours. Cette lumière qui ne s’éteint jamais, qui ne semble même pas s’affaiblir, et que, cependant, rien n’entretient, a quelque chose de troublant et de déconcertant pour nos habitudes d’esprit. Qu’est-ce qui excite cette illumination ? Qu’est-ce qui l’alimente ? Rien d’appréciable. Notre éducation scientifique nous a appris à voir partout des phénomènes provoqués, et celui-ci paraît être spontané. Nous savons que toute dépense d’énergie doit être couverte par une recette correspondante ; et, dans le cas présent, la dépense d’énergie lumineuse n’est balancée par aucun apport. Des échantillons de radium, conservés à l’obscurité à une température fixe, et, par conséquent, à l’abri de toute espèce de radiation ou d’excitation étrangère, continuent, pendant des années, à briller d’un éclat invariable. Cet éclat sans doute est faible ; il l’est surtout chez certains composés du radium, tels que le sulfate et le carbonate ; il l’est moins pour le bromure et le chlorure. Le paradoxe n’en subsiste pas moins.

D’autre part, cette illumination perpétuelle n’est qu’un des signes et qu’une des manifestations visibles de l’activité rayonnante de la substance. Celle-ci, sous toutes ses formes, est donc spontanée et permanente. Quel que soit le mode d’activité que l’on envisage, la difficulté de tous les côtés est la même. La masse radio-active, par exemple, agit sur la plaque sensible et exerce une action chimique qui entraîne une dépense. Après plusieurs années, en ce qui concerne l’uranium, M. H. Becquerel n’a point constaté d’affaiblissement dans la propriété photogénique. A moins de mettre en question les fondemens mêmes de la physique, il fallait trouver ici, à défaut d’une récupération de matière ou d’énergie, un déficit, sous l’un ou l’autre rapport : et c’est, en effet, ce que l’on a trouvé, ainsi que nous allons le voir.