Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ART FRANÇAIS
AU XVe SIÈCLE

JEHAN FOUQUET


I

L’art français du XVe siècle n’a pas bonne réputation. Entre l’art religieux et idéaliste du Moyen Age, qui semblait épuisé dès le XIVe siècle, et l’art, aristocratique et païen de la Renaissance italo-classique, importé au XVIe siècle, le rôle de cet art intermédiaire, art déréglé, réaliste, familier, bourgeois, populaire, a paru longtemps sans portée. Alors même que, depuis la réaction romantique, les préjugés scolaires ou mondains dont nos yeux avaient été troublés durant trois siècles commencèrent de s’affaiblir sous l’effort passionné des archéologues, des poètes, des artistes, cette douloureuse période de notre histoire, entre Charles V et Charles VIII, ne cessa point encore d’être regardée comme la moins digne d’une admiration attentive. L’impérieux besoin de classifications nettes et de formules vives qui semble la condition fatale de notre activité nationale, en même temps que la cause de ses erreurs et de ses désillusions, trouvait trop bien son compte dans ce facile ostracisme qui lui permettait, là comme ailleurs, en s’abandonnant à ses passions du moment, de se complaire dans l’ignorance dédaigneuse et dans l’ingrat oubli de son passé.

Comment, en effet, se résoudre à croire que, durant l’horreur séculaire d’affreuses convulsions à l’intérieur exaspérées par l’occupation étrangère, parmi les angoisses d’une lutte interminable et désespérée pour ressaisir, par la force ou la ruse, avec le sol natal, l’idée même de la patrie, il y ait eu place encore,