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comme il avait connu Vittore Pisano et Fra Angelico ? Nous sommes disposés à le croire. Toutefois, sur ces différens points, nos suppositions attendent encore des preuves.

Il est heureux, pour ce bon peintre, que les Italiens se soient montrés, de son temps, à son égard, moins indifférons, ou moins discrets, que ses compatriotes. C’est, en effet, à des Italiens que nous devons les premiers renseignemens et les plus vifs témoignages d’admiration qui ont permis de relever cette gloire française. Entre 1450 et 1460, Antonio Averulino, surnommé Filarete, architecte et sculpteur florentin, au service du duc de Milan, Francesco Sforza, dressant une liste des grands peintres capables de décorer la cité idéale que son patron veut construire, n’hésite pas à proposer, dans la meilleure compagnie, notre Tourangeau. Après avoir déploré les morts prématurées ou récentes de Masaccio, Masolino, Fra Angelico, Domenico Veneziano, Pesellino, Andréa del Castagno, il craint qu’on ne puisse pas, dans le moment, trouver d’excellens peintres en Italie : « Je crois bien, Seigneur, qu’il nous faudra attendre, car il y a ici disette de maîtres, de bons maîtres… Il faudrait voir outre-monts s’il n’y en a pas. Il y en avait bien un, d’une très grande valeur, qui s’appelait maître Jean de Bruges (Jan Van Eyck), mais, lui aussi, est mort. Il me semble qu’il doit y avoir encore un autre maître, Roger (Roger van der Weyden), qui est bien doué. Il y a encore un Fouquet, Français ; s’il vit encore, c’est un bon maître, surtout pour les portraits d’après nature. Il a fait à Rome le pape Eugène avec deux des siens auprès de lui, qui semblent en vie. La peinture est sur toile et fut placée dans la sacristie de la Minerve. Je le dis parce qu’il l’exécuta de mon temps. »

Dans le manuscrit de Filarete, le nom de Fouquet, soit mal lu par un copiste, soit plutôt écorché par la prononciation étrangère, s’est changé, en Giacchetto, comme il se changera plus tard en Fochetta chez les imprimeurs de Vasari ; l’identité de l’artiste n’est pas douteuse. Quelques années après, en 1477, un autre Florentin, résidant à Tours, prendra soin de nous éclairer. Francesco Florio, probablement homme d’église, commensal ou locataire d’un chanoine, près de la cathédrale, est un humaniste et un dilettante, l’auteur d’une nouvelle : De amore Camilli et Emilie Aretinorum[1]. Sybarite et douillet, il recherche les

  1. Imprimée à Paris en 1413. L’éditeur ajoute : « Editus (composé) in domo domini Guillermi, archiepiscopi turonensis, MCCCCLXVII.