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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/252

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climats doux, les sociétés aimables, les conversations instructives, la bonne musique et les bons repas ; c’est pourquoi, après de nombreuses pérégrinations, il a fini par s’installer en Touraine. Au retour de ses promenades quotidiennes hors des murs, il s’arrête souvent, « soit pour éviter la chaleur, soit pour se reposer un peu, » dans l’église Notre-Dame-la-Riche, où se trouvent des peintures de Fouquet. Peintures murales ? Suite de panneaux ? Grands rétables ? Hélas ! Le Toscan ne décrit rien, mais comme il admire ! « Là je compare les images des temps anciens avec les modernes, et je me convaincs que Jean Fouquet dépasse par son art les peintres de tous les siècles. Celui dont je parle est Fouquet, un homme de Tours, qui non seulement est de beaucoup le plus habile des peintres du temps, mais qui a dépassé tous les anciens. Pour que tu ne croies pas (la lettre est adressée à un autre amateur, Francesco Tarlati, à Rome) que j’imagine et que je poétise, tu peux déjà déguster quelque chose de Part de cet homme dans notre église de la Minerve, où lu pourras aller voir le pape Eugène peint sur toile, qu’il n’a fait pourtant qu’en sa jeunesse et qu’il a néanmoins réussi à représenter d’une façon merveilleuse par sa vision perçante. N’en doute pas, je t’écris la vérité, ce Fouquet est vraiment puissant à faire, avec son pinceau, des figures vivantes. »

Ce portrait d’Eugène IV, à la Minerve, garda longtemps une telle réputation auprès des artistes italiens qu’en plein XVIe siècle, en 1550, Vasari ne manque pas d’en parler. D’après lui, Giovanni Focchetta, ce très illustre peintre, aurait obtenu la commande de ce tableau par l’intermédiaire d’Antonio Filarete. Plus tard, il se serait même encore trouvé à Rome, avec le même Filarete, dans une vigna hors des murs, devant un trop copieux repas, à la suite duquel le vieil architecte, déjà malade, fut emporté par une dysenterie. Si cette légende d’atelier était fondée, on aurait la preuve que Fouquet retourna à Rome vers 1470, mais Vasari, en la supprimant dans une seconde édition, semble lui-même en avoir reconnu l’incertitude ou la fausseté.

Les témoignages français, tous postérieurs, sont conçus en termes trop généraux pour nous éclairer beaucoup. C’est, en 1495, un des courtisans de la suite de Charles VIII, décrivant l’enchantement ressenti, près de Naples, dans une étape à Poggio-Reale, qui trouve cette « maison de plaisance » plus belle « que le beau parler de maistre Alain Chartier, la subtilité de maistre