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la marche de cet art local dans quelques manuscrits recueillis à Tours et à Paris. Les bibliothèques des deux établissemens étaient ouvertes aux apprentis qu’y conduisaient les maîtres de la ville. Parmi ces maîtres, assez nombreux, au commencement du XVe siècle, le plus connu était François Loiseau ; c’est de lui peut-être que l’enfant reçut ses premières leçons.

En tout cas, si nous nous en rapportons à ses œuvres postérieures, Fouquet dut étudier de bonne heure, dans les librairies seigneuriales ou monastiques, d’autres enluminures que les enluminures tourangelles. À Chantilly même, les feuilles du calendrier, dans le livre d’heures du Duc de Berry, où revivent, dans les fonds, tous les plus beaux châteaux de France, le Louvre, Vincennes, Poitiers, Lusignan, avec des laboureurs, moissonneurs, vendangeurs, chasseurs, pêcheurs sur les premiers plans, par Pol de Limbourg ou Jacquemart de Hesdin, ont de tels rapports avec l’œuvre du Tourangeau, qu’il y faut bien reconnaître l’une des sources les plus vives de son talent. On retrouvera toujours chez lui ce même goût pour les architectures pittoresques et les paysages aérés, ces mêmes scrupules d’exactitude dans leur représentation, et, dans ses figures, la même intelligence franche et fraternelle des types populaires et des labeurs rustiques. Il est certain aussi qu’il dut connaître des tableaux du Nord. Sa parenté avec Jan Van Eyck est trop visible dans ses portraits pour qu’on puisse douter de ses relations avec les œuvres, sinon avec la personne, du Flamand. Est-il bien nécessaire, pour cela, de supposer qu’il ait fait le voyage de Gand, pour admirer le Triomphe de l’Agneau ? Les villes de Bourgogne possédaient assez d’ouvrages de ce maître (La Vierge et le chancelier Rolin, du Musée du Louvre, est restée jusqu’à l’Empire dans la cathédrale d’Autun) ; il s’en trouvait encore assez bon nombre dans les cabinets italiens, pour que l’artiste voyageur ait pu s’en imprégner, en divers lieux, à toutes les époques.

On a cherché aussi comment et pourquoi il alla en Italie. On trouvera sans doute quelque jour son nom dans la suite de l’un de ces personnages, princes, ecclésiastiques, juristes, financiers, presque tous déjà collectionneurs passionnés et enthousiastes, qu’on voit, chaque année, franchir les Alpes, soit avec des titres officiels, soit pour leurs affaires privées. Il suffit que René d’Anjou ou Jacques Cœur, par exemple, se soient intéressés au jeune homme, qu’ils l’aient emmené avec eux, ou appelé