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trois exécuteurs testamentaires. Certains traits communs avec la statue funéraire de Loches, la hauteur du front bombé et très découvert, l’absence presque complète de cils, la finesse du nez, la petitesse de la bouche, et, de plus, la rondeur ferme du sein jaillissant de la robe dégrafée, cette beauté dont Agnès était fière, donnent quelque vraisemblance à cette tradition. Quoi qu’il en soit, la mère et l’enfant trahissent encore l’étude d’après nature, étude pénible, à peine transposée. Les angelots pourprés, voltigeant à la cantonade, ne suffisent pas à diviniser le groupe. Reste une grande dame, de beauté française, non classique. mais intelligente et affable, une reine, si l’on veut, coiffée en arrière d’une haute couronne surchargée de rubis et perles, en robe bleue, robe de gala, très serrée autour de la taille longue et fine, avec ceinture pendante d’orfèvrerie et, sur les blanches épaules nues, un manteau blanc doublé d’hermine. Elle regarde doucement son nourrisson, aux cheveux roux et aux yeux gris, un petit Français aussi, nu, assis, sur ses genoux. La peinture, désaccordée, grisâtre, frottée, éteinte, a beaucoup souffert ; autant qu’on en peut juger, le style, surtout dans les contours de l’enfant, est encore sec et dur, comme d’un homme qui pense trop aux naturalistes âpres des fresques ultramontaines.

La même fermeté, mais, cette fois, avec une entière franchise et une admirable aisance, s’affirme dans l’autre panneau de Melun, mieux conservé, au Musée de Berlin. Ici le grand trésorier de France se présente, agenouillé, les mains jointes, dans un intérieur, accompagné par son patron, saint Etienne. Celui-ci est debout, en robe noire à bandes d’orfroi, tenant, sur un riche missel, la pierre de son martyre ; sa tête blonde et tonsurée est d’une expression fervente et digne, aussi réelle et aussi vivante que la tête, couronnée de cheveux noirs, de l’adorant en houppelande pourprée ; le saint et son protégé sont également des portraits ; le fond de marbres à pilastres accentue la réalité de la scène. L’exécution des visages, des mains, des draperies, des accessoires est d’une sûreté et d’une délicatesse comparables à celles des meilleurs Florentins, que le Tourangeau rappelle encore par l’aération légère et fine des fonds lumineux où se juxtaposent ses colorations fraîches et claires.

Le dernier portrait qu’on puisse résolument lui attribuer se trouve à Vienne, au palais Liechtenstein. C’est un homme, d’une trentaine d’années, rasé, aux traits irréguliers ; yeux inégaux