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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/283

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montée. Qu’on regarde, dans le Saint Martin, la patrouille au pas qui précède l’officier le long du quai de Seine, dans la Sainte Marguerite, le beau gentilhomme Olybrius, sur son cheval blanc, suivi par un nain, non moins bien monté (souvenir de Pisano, dans la médaille de Gonzaga), d’après une mode antique :


… parmi les vieux François
Qui erroiont tout armez par déserts et par bois,
Accompagnez d’un nain, cherchant leur aventure.


Qu’on examine, ailleurs encore qu’au Louvre, en vingt endroits, les groupes de soldats rangés en parade ou en bataille, partout on admirera la belle tenue de ces bêtes de sang et de leurs guides, et l’on ne s’étonnera point de l’effet qu’allaient bientôt produire « dans les Itales, » en défilant sur les dalles sonores, entre les chauds regards des belles méridionales, par les rues de Pise, de Florence, de Moine, de Naples, des cavaleries si bien montées et si bien équipées !

L’une des pièces où l’on voit le mieux l’esprit d’élégance saine et vive qu’apportait Fouquet dans le choix de ses types, aussi bien pour les animaux que pour les hommes, est le Saint Paul, tombant, avec son cheval, sous le coup de foudre qui le renverse et l’illumine, dans la plaine de Damas, ou plutôt de Tours. Avec quelle souplesse le noble coursier noir, terrassé, se prosterne et s’allonge, tandis que se cabrent les bêtes de la suite et que Saül, désarçonné, mais resté en selle, penché sur le col de sa monture, soulève sa tête d’adolescent, blême, presque féminine, vers l’apparition céleste ! Le Juif violent et persécuteur est devenu un beau chevalier, en armure ciselée et dorée, gardant, sous l’orage, la tranquillité d’une âme heureuse et confiante, un chevalier comme en formait la Dame aux Belles Cousines. Comme ses amis d’Italie, le Tourangeau distribue donc, tant qu’il peut, des trésors de jeunesse et de grâce à ses saints et à ses guerriers. Le David, agenouillé, en plein champ, devant les visions infernales, n’est pas un héros moins séduisant que le Saint Paul. Si jamais l’on retrouve un saint Georges égaré de ce Propre des Saints, comme on a retrouvé le Saint Martin, ce sera un adolescent, svelte et vif, un chevalier d’une délicieuse élégance, un délivreur de princesses à ravir les yeux et les cœurs, comme son frère aîné dans le bas-relief de Donatello sous la célèbre statue d’Or-San-Michele, à Florence, comme son