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système et de vos alliances. Soyez, comme vous l’avez été, le pacificateur et le protecteur des « communes libertés du pays. »

L’idée d’une intervention conciliatrice et, en quelque sorte, arbitrale (le mot est prononcé) de la France était lancée par Bouillon avec une habileté consommée. Dans les affaires, les propositions les plus douces sont les plus facilement accueillies : si le Roi suivait ce conseil, il était presque fatalement amené à prendre, tôt ou tard, position contre la maison d’Autriche. Bouillon, par ce mémoire d’une très haute portée pratique, insinuait en quelque sorte la politique protestante dans la politique française ; il les mêlait l’une et l’autre dans la mesure où elles peuvent s’unir ; il signalait, pour la première fois, ce rôle savant d’arbitre intéressé et de protectrice attentive que la France pouvait jouer dans les affaires germaniques.


Ces vues ne furent pas adoptées par le Conseil du Roi. C’est ici que se précisent les responsabilités de Luynes. Né dans le Comtat-Venaissin et, par conséquent, soumis dès l’enfance à l’autorité pontificale, ménageant avec soin les influences religieuses qui s’exerçaient autour du Roi et notamment celle du confesseur, le Père Arnoux, soucieux de s’assurer la bienveillance de la jeune reine Anne d’Autriche, d’autant plus qu’il était en rupture ouverte avec la Reine mère, Marie de Médicis, et, par-dessus tout, appréhendant la coalition des grands et des protestans qui se formait contre lui, à l’intérieur du royaume, il avait toutes les raisons de chercher son point d’appui du côté catholique et espagnol. Il s’en défendait pourtant, au début de sa faveur, « de peur que l’accusation qu’il faisoit contre la Reine et les ministres qui a voient gouverné sous son autorité d’avoir trop incliné vers l’Espagne ne fût rétorquée contre lui-même. » Mais la force des choses et sa propre inclination l’avaient emporté sur les hésitations de cet esprit précautionneux qui eût voulu éviter de se prononcer, par souci de ménager tout le monde.

Le nonce du pape, Bentivoglio, avait pris sur lui la plus grande influence. Rome, naturellement, était, plus que toute autre puissance, en éveil sur les projets de Bouillon et elle avait pris, de bonne heure, ses mesures pour les contrecarrer. Dès le mois de mai 1617, deux ans avant la mort de l’empereur Mathias, une lettre du nonce près de l’électeur de Cologne, transmise confidentiellement à Bentivoglio, lui avait dénoncé