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justice, et avant toutes ou après toutes, ce sera donc la Cour Suprême.

Là-dessus, sur ce motif de droit : « Le pouvoir judiciaire s’étendra à toutes les causes qui relèvent de la Constitution, » que les juges sont obligés de maintenir, et sur ce motif de fait qu’aux cours de justice appartient l’interprétation des lois, le Chief Justice John Marshall et ses successeurs à la présidence de la Cour ont, depuis 1801, bâti la puissance de la Cour Suprême, qui n’est pas sans doute la toute-puissance, mais qui est la dernière puissance, la puissance en dernier ressort, ou du moins qui peut l’être, qui peut valider ou invalider les actes et les décrets des autres. La Cour Suprême traite la Constitution fédérale de la manière qu’il est admis que les cours de justice traitent les lois ; « non seulement pour en assurer l’exécution vis-à-vis des citoyens, » mais « pour l’ajuster aux faits, » c’est-à-dire « pour en déterminer la signification précise et pour en faire l’application aux circonstances d’un cas particulier ; » ou plutôt ce n’est pas tant la Constitution, ce sont bien les lois que la Cour Suprême traite de la sorte : elle les interprète par rapport à la Constitution ; elle en assure l’exécution en harmonie avec la Constitution ; elle les ajuste, elle ajuste le l’ait légal à la Constitution ; elle en détermine le sens précis selon le sens général de la Constitution ; et, par les points qu’elle pose, de cas particulier en cas particulier, qui vont se rejoignant, elle trace, dans le plan de la Confédération américaine, la ligne infranchissable de la Constitution.

J’ai souligné ces mots : de cas particulier en cas particulier. La Cour Suprême, en effet, ne perd jamais de vue qu’elle est une cour de justice, et, en matière constitutionnelle comme en toute matière, elle procède en cour de justice. Elle attend le cas particulier. Elle ne va pas au-devant de la loi, elle laisse la loi venir à elle, et y venir ainsi que les lois viennent devant les cours, dans une espèce et par un procès. Elle ne s’émeut et ne se meut que sur la requête d’une partie. « Quelquefois, le demandeur ou le défendeur peuvent être le gouvernement national (fédéral) ou un gouvernement d’État ; le plus souvent, ce sont, l’un et l’autre, des particuliers qui revendiquent des droits privés ou cherchent à les défendre. Ainsi le fameux cas qui a consacré la doctrine d’après laquelle une loi votée par un État pour révoquer une concession de terre faite à un particulier sous