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sans cesse renouvelées dont les auteurs partent des oasis ; campés sur la steppe brûlante, à Djenan-ed-Dar ou à Duveyrier, ils regardent de loin avec envie les ombrages de Figuig ; il faut cependant leur demander de prendre encore patience, de se sacrifier encore, comme ils l’ont toujours fait, avec cette abnégation dont nos troupes d’Afrique, et spécialement les officiers des bureaux arabes, auxquels nous sommes, en passant, heureux de rendre hommage, ont toujours donné tant de preuves. Comme l’a dit M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, dans sa déclaration au Sénat, le 5 juillet dernier : « Le monde entier est témoin que nous avons tenu la parole que nous nous étions donnée à nous-mêmes et que nous nous sommes obstinés à y rester fidèles en dépit des agressions répétées qui nous en avaient évidemment déliés. » Nous avons fait montre, en effet, d’une inlassable patience, peut-être même parfois d’une excessive patience : sachons du moins n’en pas perdre les fruits.


III

Quand notre domination eut décidément franchi le grand Atlas et engloba, au sud de la province d’Alger, Ghardaïa et le plateau du Mzab, il nous fut aisé de constater que ces régions ont des rapports économiques, religieux, politiques avec d’autres pays, perdus plus avant encore parmi les sables et les déserts de pierre du Sahara. Des partis de Touareg armés venaient de temps à autre, en suivant les pistes de l’Erg, attaquer nos postes avancés du Sud, ou razzier quelque douar de nos indigènes. Tous les ans nous voyions nos tribus organiser, dans les ksour au pied de l’Atlas, à El-Abiod-Sidi-Cheikh, à Brezina, à Moghrar, des caravanes qui portaient vers le sud des denrées de ravitaillement et en revenaient chargées de dattes. Enfin, quand, en 1886, Bou-Amama eut été chercher un refuge dans le Gourara, il nous fut facile de remarquer qu’il continuait à entretenir des relations avec les tribus du Sud-oranais et du Sud-Est marocain, et que ses mokaddem y travaillaient activement contre la France. Ainsi la force des choses et la fatalité de notre expansion nous mettaient peu à peu en contact avec un monde nouveau ; nous allions être entraînés nécessairement vers des contrées dont les habitans n’étaient ni des Marocains, ni des Algériens, mais à proprement parler des Sahariens indépendant que