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volontiers l’on confondait tous sous la dénomination de Touareg.

Les négociateurs français du traité de Lalla-Marnïa avaient probablement ignoré l’existence, au sud de l’Atlas, d’oasis relativement riches et populeuses. Sans doute ils s’en tenaient à l’expérience de Suetonius Paulinus, qui, au dire de Pline, racontait « qu’au-delà de l’Atlas, jusqu’à un fleuve qui porterait le nom de Ger (probablement l’oued Guir), on traverse des déserts couverts d’un sable noir, au milieu duquel s’élèvent d’intervalle en intervalle des rochers comme brûlés, que ces lieux sont inhabitables à cause de la chaleur, même en hiver, et qu’il l’a éprouvé ; » ils ne pensèrent pas qu’il y eût lieu de partager avec le sultan de pareilles contrées. « Quant au pays qui est au sud des ksour des deux gouvernemens, dit l’article 6 du traité, comme il n’y a pas d’eau, qu’il est inhabitable, et que c’est le désert proprement dit, la délimitation en serait superflue. » Que pareille délimitation fût superflue, ou, pour mieux dire, impossible, les rédacteurs du traité eurent raison de le dire, mais que ce fût un désert complètement inhabitable, c’est à quoi les explorations des voyageurs et, depuis peu, les conquêtes de nos soldats ont donné un démenti. Les grandes oasis du Gourara, du Touât et du Tidikelt, si elles ne sont pas les pays admirablement fertiles et très peuplés que, de loin, ou sur la foi des récits facilement hyperboliques des indigènes, l’on s’est plu parfois à imaginer, sont du moins la partie la moins stérile et la moins inhabitée de l’immense désert.

Dans tout le Maghreb, si l’on franchit le bourrelet montagneux de l’Atlas méridional et si l’on marche vers le sud, en suivant le large lit des fleuves intermittens qui descendent des hauteurs, l’on arrive sur un plateau, coupé çà et là par les larges dépressions que jadis les eaux y ont creusées, et qui s’étend en une longue bande au pied des chaînes de l’Atlas : c’est une région stérile, caillouteuse, parcourue seulement au printemps par les troupeaux des nomades et Ira versée, en suivant d’invariables pistes, par de rares caravanes ; les géologues la nomment « zone dépandage des grands ouadi, » parce que les eaux, qui, l’hiver et au printemps, dégringolent des hautes cimes et gonflent un moment les torrens, y disparaissent dans des nappes souterraines. Au-delà de cette zone, large de 200 à 400 kilomètres environ, commence un pays plus stérile et plus désert encore, où ne s’aventurent que de rares chasseurs et quelques chameliers :