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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/389

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V

Le hasard, — un de ces hasards qu’une politique prévoyante sait faire naître à propos, — précipita, dans les derniers jours de l’année 1899, la solution depuis longtemps reculée, « fit tomber le fruit déjà trop mûr[1], » et, en engageant le drapeau, dissipa les dernières hésitations. Ces événemens sont encore si récens qu’on ne les a pas oubliés ; nous ne chercherons donc pas ici à en rappeler le détail, mais seulement à indiquer dans quelle mesure les erreurs du passé ont pesé sur eux pour les compliquer. Les liens factices qui avaient fini par s’établir entre la question du Touât et les affaires marocaines avaient pris une telle consistance qu’il ne pouvait pas être facile, bien qu’il fût absolument nécessaire, de les trancher d’un seul coup.

On sait comment un savant géologue d’Alger, déjà connu par des missions fructueuses dans le Sahara septentrional, M. G. B. M. Flamand, chargé par le ministère de l’Instruction publique d’une exploration scientifique du plateau de Tademayt et du Tidikelt[2], partit d’Ouargla, le 28 novembre 1899, et, en suivant l’oued Mya et l’oued Insokki, parvint à Iguesten, l’oasis la plus orientale du Tidikelt, où il fut attaqué, le 27 décembre, par une troupe de 1 200 guerriers d’In-Salah. L’escorte de la mission, une centaine de goumiers, commandés par le capitaine Pein, officier énergique et rompu aux affaires sahariennes, repoussa les assaillans, et, poursuivant les fuyards, pénétra dans le fameux Ksar-el-Kébir, le plus important des ksour d’In-Salah et s’y établit défensivement. Cette vaillante avant-garde fut rejointe le lendemain matin par M. Flamand lui-même et par l’escadron des spahis sahariens du capitaine Germain. Revenus à la charge le 5 janvier, les gens des oasis perdaient, au combat de Deramcha, 150 tués et 200 blessés. Ainsi, en quelques jours, presque sans pertes de notre côté, In-Salah, depuis si longtemps le repaire des Touareg et le centre de la résistance à notre expansion, In-Salah, d’où partaient des mots d’ordre qui avaient

  1. Discours de M. Laferrière, le 3 avril 1900, au déjeuner des Questions diplomatiques et coloniales.
  2. M. Flamand était en outre chargé, par le ministère des Colonies, d’une reconnaissance des routes commerciales de Tombouctou au Touât et en Algérie, et enfin, par l’autorité militaire, sous la protection des troupes sahariennes, d’étudier les puits artésiens de la région parcourue.