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Nominalement, ces tribus sont soumises au sultan, et, de fait, elles lui obéissent pourvu que cela ne les gêne en rien ; elles lui paient un léger impôt de un mouton par cinq chameaux ou par cent moutons : mais la plus haute autorité de la contrée, c’est celle du marabout de la zaouia de Kenadsa, chef de l’ordre des Ziania ; tous les nomades lui paient un impôt, s’inclinent devant son autorité religieuse et acceptent ses décisions. Battus, en 1870, par le général de Wimpffen, les Doui-Menia ont signé avec lui le traité d’Oran, par lequel ils s’engagent à faire cause commune avec la France ; en 1881, ils ont envoyé quelques contingens à l’insurrection, mais, depuis, ils ont de nouveau et à maintes reprises demandé noire protection, qui ne leur a pas été accordée ; rebutés, ils se sont rapprochés du sultan à l’époque du voyage de Moulai-el-Hassan au Tafilelt, et notre inaction les a peu à peu habitués à douter de notre puissance.

Tout le long de l’oued Guir s’étend, à l’ouest, une grande hamada absolument stérile, large de cent kilomètres, presque impossible à traverser à cause des cailloux pointus qui en hérissent le sol, si ce n’est en suivant les rares pistes que le pied des hommes et des bêtes a fini, à force de siècles, par y tracer. De l’autre côté de ce plateau, qui les domine de 800 mètres, s’échelonnent les belles oasis du Tafilelt : c’est le centre du domaine des Berâber. Les Berâber sont, dit De Foucauld, « une grande tribu, la plus puissante du Maroc ; » quand les deux fractions de la confédération ne sont pas en lutte, ce qui est rare, elles peuvent mettre en ligne plus de 20 000 fusils. Les Berâber sont volontiers pillards ; souvent une harka (bande d’un millier de guerriers environ) part du Tafilelt et s’en va au loin opérer quelque coup fructueux. Les pistes qui mènent au Touât leur sont familières ; en 1835, notamment, une bande de Berâber enleva Timimoun, saccagea tout, massacra les habitans, coupa les palmiers. Comme on l’a très bien dit, Je Touât est pour les nomades une table ouverte ; les Berâber, comme les Touareg, cherchent à profiter du festin. Ainsi se sont établies, entre eux et les gens des oasis, des relations, tantôt d’hostilité, tantôt de commerce, tantôt de protection.

L’arrivée des Français au Touât changeait complètement la situation. Sur la Zousfana, nous occupions les ksour des Beni-Goumi où les Doui-Menia ont des propriétés ; à Igli et à Beni-Abbès, nous coupions le chemin habituel des Berâber vers l’est ;