Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
POÉSIES

VENISE ET VÉRONE

VENISE


I. — VERRERIE


Tour à tour orangée, ou rouge, ou rose, ou grise,
Découpée, et cassante au soleil qui l’irise,
Comme la reflétaient les détours des canaux,
Je la revois changeante en ses légers cristaux,
Voluptueuse, triste, et fardée, et fragile.
Le verre bleuissant mire toute la ville
Matinale et riante, au fond du vase aimé,
Ou me la rend nocturne en son cristal fumé ;
Le dôme de Saint-Marc s’arrondit dans sa panse
Et le col des pigeons en a recourbé l’anse,
Tandis qu’en carillons, tintent les pendentifs,
Liquides et gelés, des lustres aux feux vifs.
Dans le miroir créé pour le reflet du songe
Ta magie à jamais se joue et se prolonge ;
Tu n’es pas véridique, ô Venise ! je sais
Que la mer doit couvrir tes irréels palais
Dont le marbre déjà ressemble au madrépore ;
Cette coupe qu’une algue opaline décore