quelques imbéciles lui accorderont l’universalité des talens ; mais les gens sensés et d’un vrai mérite laisseront après eux des monumens qui anéantiront le clinquant qui environne ce prince et ne laisseront voir que son cœur. Dans cette situation, l’aspect ne sera pas favorable au roi de Prusse.
« Je n’imagine pas qu’il ait la hardiesse de faire imprimer son ode, ni de la divulguer ; en tous cas, je vous envoye la réponse que je ferai imprimer sur le champ ; elle n’est peut-être pas mieux faite que la sienne, mais elle a le mérite de la vérité, car celui qui l’a fait pense exactement tout ce qu’il a écrit, et l’on est vrai quand on pense ce que l’on dit. Si vous pouviés faire parvenir au roi de Prusse le conseil d’anéantir sa production, je crois que c’est ce qu’il y aurait de plus honnête ; au reste nous ne craignons pas plus cette guerre-là que celle qu’il fait à l’impératrice[1].
« L’on dirait à l’audace des écrits de Sa Majesté prussienne que ce prince a l’âme forte, vous la connaissez ; elle est bien éloignée d’être imprimée d’un tel caractère ; il ressemble à ceux qui chantent dans les rues parce qu’ils ont peur, et sûrement, malgré ces vers, il ne sait pas encore comment finira pour lui la tracasserie qu’il a formée en Europe et qui, par notre patience et la solidité de notre puissance, devrait écraser le pot de terre.
« Adieu, mon cher solitaire, je vous embrasse de tout mon cœur, et vous laisse le maître de faire passer à Sa Majesté prussienne tout ce que je vous écris en vous renouvellant mes éloges et mes remerciemens de la manière honnête dont vous vous êtes servi dans cette occasion pour prouver que vous êtes bon Français et bon sujet du Roi. »
La réponse au pamphlet poétique du roi de Prusse, réponse qu’envoie Choiseul à Voltaire, avait été composée par Palissot sur l’ordre du ministre et sous la forme d’une ode, aussi mordante, aussi venimeuse que celle de Frédéric. C’est ainsi qu’au passage dans lequel Frédéric accuse Louis XV d’oublier les devoirs de la royauté dans les bras d’une maîtresse :
Quoi ! Votre faible monarque,
Jouet de la Pompadour,
Flétri par plus d’une marque
Des opprobres de l’Amour ;
- ↑ L’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse.