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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/425

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imagination souvent trop vive, et c’est ainsi qu’il chargea le marquis de Chauvelin, l’ambassadeur, de faire à Voltaire des observations sur une lettre que celui-ci avait écrite au roi de Prusse pour entamer, d’après les instructions du ministère français, des pourparlers en vue de la paix. Le brouillon de Voltaire n’avait pas convenu en haut lieu et Chauvelin indiquait les corrections nécessaires. Cette lettre de Chauvelin montre la première tentative faite par la Cour de France en faveur de la paix, que Choiseul, dans sa correspondance, nous présente officieusement comme devenue indispensable.

Voltaire ayant écrit, probablement selon les données rectificatives du ministère français, Frédéric répondit, le 22 septembre 1759 : «… Mais je vois qu’il s’agit de paix. Tout ce que je peux vous dire de positif sur cet article, c’est que j’ai de l’honneur pour dix, et que, quelque malheur qui m’arrive, je me sens incapable de faire une action qui blesse le moins du monde ce point si sensible et si délicat pour un homme qui pense en preux chevalier… Pour faire la paix, voilà deux conditions dont je ne me départirai jamais : 1° de la faire conjointement avec mes fidèles alliés ; 2° de la faire honorable et glorieuse… ; je suis dans les convulsions des opérations militaires ; je suis comme les joueurs qui sont dans le malheur et qui s’opiniâtrent contre la fortune… J’ai affaire à de si sottes gens qu’il faut nécessairement qu’à la fin j’aie l’avantage sur eux… La bataille de Minden, celle de Cadix et la perte du Canada sont des argumens capables de rendre la raison aux Français, auxquels Y ellébore autrichien l’avait brouillée. Je ne demande pas mieux que la paix, mais je la veux non flétrissante… Voilà ma façon de penser ; vous ne me trouverez pas à l’eau de rose ; mais Henri IV, mais Louis XIV, mes ennemis même que je peux citer, ne l’ont pas été non plus… »

C’est cette réponse de Frédéric, réponse qui domine pour ainsi dire toute la suite des faits, que Choiseul reprend et critique en un véritable commentaire qu’il adresse sous forme de lettre à Voltaire :


A Versailles, ce 12 novembre (1759).

« Avés vous connu Meuse[1], mon cher hermitte ? Il avait une terre en Lorraine qui s’appelle Sorcy ; dans cette terre était un

  1. Le marquis Henri-Louis de Choiseul-Meuse.