brillant jusques à ce coup, sera réduit à vivre de la charité de la paroisse ; dites-moi de bonne foi, d’après ces comparaisons que je crois justes, si il n’est pas risible qu’un charlatan habile qui joue les mille louis des Anglais se compare à Henri IV et à Louis XIV. Il n’a ni les vertus, ni les vices heureux de ces deux princes ; ce preux chevalier n’est qu’un Dom Quichotte yvre qui devrait se souvenir de la lettre qu’il a écrit à M. de Richelieu après la capitulation de Closter Seven ; laissons-le, mon cher Solitaire, cuver son hellébore de vanité ; il n’y a rien à faire avec un personnage pareil, qui est de mauvaise foi et qui s’avise de vous parler de ses fidèles alliés.
« Ne craignes rien de ma première lettre ; fût-elle sous le cotillon d’une impératrice, elle ne vous causera aucune peine. Divertisses mon ambassadeur chéri, je l’envie beaucoup et me reprocherai toujours de n’avoir pas passé aux Délices en revenant de Rome[1]. C’est là vraiment où l’on peut être heureux et, lorsque MM. les souverains se seront assés amusés à dépeupler la terre, je vous demande de m’y conserver un appartement et d’y recevoir le plus véritable et le plus tendre de vos serviteurs.
« Ma lettre était finie quand je reçois la vôtre du 6[2], vous avés raison de me gronder ; ce n’est cependant pas ma faute et je vous assure que je voudrais passer ma vie à vous écrire et à recevoir de vos lettres.
« Je n’adopte pas, ou du moins ne dois-je pas le dire, toute votre lettre à Luc ; il n’y a pas de mal que vous l’ayés envoyé ; nous verrons la réponse, mais je vous assure qu’elle sera fière, surtout si, comme je n’en doute pas, il étrille MM. les Autrichiens avant la fin de la campagne. Je ne suis pas attaché aux castors, mais chés moi, mon cher hermitte, tout est perdu hors l’honneur. Je n’ai pas le tems de vous en dire davantage. »
Le 13 août 1759, le roi de Prusse s’était trouvé une fois encore dans une passe difficile. Entouré par les Russes et les Autrichiens à Kunersdorf, il avait attaqué 80 000 hommes avec 45 000. Ayant tout d’abord tourné les Russes, il les força ; mais, s’étant brisé contre les Autrichiens, il permit aux Russes de se rallier, et ses troupes, écrasées entre les deux armées réunies, se