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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/43

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comme un étroit corridor, assurant les communications entre le Milanais et le Tyrol.

Par ce couloir, l’Italie essayait, depuis longtemps, de se glisser en Allemagne. Mais, en sens inverse, par ce même couloir, l’Allemagne s’efforçait de descendre en Italie. La France, de son côté, avait le plus grand intérêt à ce que ni l’une ni l’autre de ces communications ne s’établît d’une façon durable. De sorte que, la géographie, l’histoire, la politique et la religion s’en mêlant, elles avaient, toutes ensemble, embrouillé à plaisir la toile compliquée que la diplomatie internationale filait dans les détours de cette étroite vallée.

La Valteline n’a guère que vingt lieues de long sur à peine une lieue de large. Se dirigeant de l’Ouest à l’Est, elle remonte le cours de l’Adda depuis son embouchure, dans le lac de Côme, jusqu’à sa source, non loin de Bormio ; elle se rapproche, alors, par un coude vers le Nord, de la vallée de l’Engadine et de l’Inn supérieur. Elle est le nœud d’un continent ; d’après la parole d’un contemporain, « elle est l’enfant né des relations de l’Italie et de l’Allemagne. »

Les Valtelins prétendaient se rattacher aux Etrusques. Jusqu’au début du XVIe siècle, ils dépendaient du Milanais. Après les guerres où la France prit part et où le sort du Milanais fut si longtemps disputé, les Valtelins, par une cession du duc Maximilien Sforza (1513), devinrent les sujets ou, du moins, les vassaux de l’évêque de Coire et des Trois Ligues Grises. Cette région éminemment italienne fut donc détachée de l’Italie et subordonnée à des populations plus septentrionales.

Les Grisons étaient d’une autre race : c’étaient des gens rudes, vivant en république démocratique. Si près des Italiens, ils pouvaient, par comparaison, passer pour des barbares. Tandis que les Valtelins étaient restés catholiques, les Grisons, plus voisins de l’Allemagne, s’étaient faits protestans. Les ministres grisons, les « prédicans, » disaient « qu’ils étaient prédestinés pour aller planter leur religion en Italie ; » ils affirmaient que, par eux, la réforme prendrait racine à Venise et que, de là, elle s’épandrait par toute la péninsule. Leur prosélytisme était audacieux et heureux. Si on n’y mettait une bonde, la religion nouvelle pouvait couler, par là, sur toute l’Italie. Cette bonde, l’Espagne l’avait appliquée, si j’ose dire, en construisant, en territoire espagnol, mais au débouché de la