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faut laisser aboyer, il n’a plus que cette consolation ; il me fait pitié, le mensonge et les injures sont les seules armes qui lui resteront bientôt. Voilà bien du rabâchage sans suite, que je ne relirai point, je vous écris en courant sur les matières les plus intéressantes, mais je vous assure que je n’y pense pas en courant. Mandés moi, je vous prie, tout ce qui vous vient dans la tête en politique ; je suis trop heureux de connaître et d’être éclairé par les idées de quelqu’un comme vous dont je respecte autant les lumières. »


En dépit des interruptions que les circonstances amenaient dans l’entremise de Voltaire, quelques incidens survenaient de temps à autre pour le forcer à de nouvelles interventions. Ici, c’est une énigmatique accusation que le hasard a fait découvrir dans une lettre de Frédéric au marquis d’Argens et sur laquelle Choiseul prie son cher Solitaire d’obtenir, s’il le peut, des explications.


(Octobre 1760).

« Écrives vous toujours au roi de Prusse, mon cher Solitaire, ou plutôt ce prince répond-t-il à vos lettres ? Si cela était, vous me rendries un grand service de tâcher de découvrir le sens d’une phrase d’une lettre de S. M. Prussienne au marquis d’Argence[1], qui a été prise par des troupes légères et qui m’est revenue.

« Le roi de Prusse, après avoir parlé assés naturellement de sa situation que nous connaissons comme lui, après avoir dit quelque chose contre la France, ajoute : « Je sais un trait du duc de Choiseul que je vous conterai lorsque je vous verrai. Jamais procédé plus fol ni plus inconséquent n’a flétri un ministre de France depuis que cette monarchie en a. »

« J’ai montré comme de raison cette lettre au Roi et nous avons cherché quel peut être le trait si flétrissant qui m’est reproché par le roi de Prusse ; j’avoue que je ne me suis trouvé ni dans mon ministère ni dans ma vie aucune action qui puisse mériter cette épithète odieuse ; mais il est possible qu’à mon insçu et contre la volonté du Roi, on ait manqué aux égards qui sont dûs au roi de Prusse ; c’est ce motif qui Tait désirer à Sa

  1. Cette lettre est publiée dans la Correspondance de Grimm, du mois de septembre 1760.