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secours suisse, le secours hollandais, le secours anglais même, ne pouvaient arriver jusqu’à Venise que par la vallée de la Valteline. La Valteline, c’était donc, pour les Vénitiens, et le danger de tous les jours et le salut des heures critiques.

Ainsi, quatre intérêts contraires se coupent et se recoupent sur cet étroit territoire : l’Espagne veut rejoindre ses possessions du Nord avec celles de l’Italie ; le protestantisme essaye de s’ouvrir cette voie vers le Sud, tandis que le catholicisme essaye de lui barrer le chemin ; la République de Venise prétend assurer ses communications avec l’Europe septentrionale. Quant à la France, elle prétend maintenir, sous sa protection, le statu quo et l’indépendance des populations locales.

Au moment où Henri IV avait renouvelé le traité d’alliance, Venise était au mieux avec le Bourbon qu’elle avait aidé de son influence, de ses ressources et de son argent. La République avait profité de ces circonstances pour obtenir, des Grisons, par le traité de Davos, conclu le 5-15 août 1603, la promesse d’un secours militaire, en cas de besoin, et, en plus, le bénéfice du passage à travers les montagnes ; elle portait ainsi quelque atteinte au privilège de la France ; mais, surtout, elle détruisait toutes les espérances de l’Espagne.

Le gouverneur du Milanais, qui avait la garde des intérêts espagnols dans cette région, répondit donc à cette offensive par la construction du fort Fuentès. L’influence de l’Espagne avait même été assez grande pour obtenir l’envoi à Milan d’une ambassade des Grisons, et cette ambassade, en échange de la promesse de démolir le fort Fuentès, s’était engagée dans une sorte de confédération avec l’Espagne. La réplique était terrible pour la diplomatie vénitienne. Les Grisons eux-mêmes comprirent le danger. Ils désavouèrent l’ambassade et se retournèrent du côté de la France. Il est vrai qu’en même temps, ils avaient déchiré le pacte avec Venise ; somme toute, à la fin du règne de Henri IV, tout était rentré dans l’ordre. Mais le fort Fuentès restait debout.

Les vice-rois qui gouvernaient le Milanais au nom de l’Espagne se transmettaient, comme un devoir impérieux, le projet d’arracher la Valteline et, si possible, les Ligues Grises, aux influences rivales. La construction du fort avait été, à la fois, un coup d’audace et un coup de parti. En interdisant, par le moyen de ce fort, toute communication et tout commerce entre le