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faut aucune équivoque sur notre arrangement avec l’Italie. Il ne signifie nullement que l’Italie se jettera demain sur la Tripolitaine et nous sur le Maroc. Nous n’avons, en ce qui nous concerne, aucune idée de ce genre : le maintien de la situation actuelle est certainement ce qui est le plus conforme à nos intérêts. Mais il faut tout prévoir, réfléchir à toutes les éventualités qui peuvent se produire, même contre notre gré, et arrêter nos dispositions pour n’être pas pris au dépourvu, si telle ou telle venait à se produire. Nous ne savons pas quelles sont les intentions de l’Italie ; elle est maîtresse souveraine de sa politique. Il peut se faire qu’elle attende encore longtemps avant d’entreprendre quoi que ce soit de l’autre côté de la Méditerranée. Quelle est donc la portée des assurances que nous venons mutuellement d’échanger ? Elles signifient que la France et l’Italie, après s’être expliquées sur leurs intérêts tels quelles les comprennent, ont reconnu qu’ils n’avaient rien de contradictoire, attendu qu’ils se rattachaient à des points différens et éloignés les uns des autres. La conséquence à tirer de cet examen général de la situation était qu’il n’y avait pas plus de sujets de mésintelligence entre les deux pays, et que rien ne s’opposait à ce qu’ils restassent amis. Il s’en faut de beaucoup que cette constatation soit un fait insignifiant. On avait fait croire à l’Italie qu’elle devait inévitablement trouver dans la France un ennemi ou un rival. Pendant longtemps on s’est servi pour cela de la question romaine, comme si la France républicaine pouvait avoir la moindre velléité de rétablir le pouvoir temporel du Pape ! A la longue, ce prétexte s’est usé. Alors on a dit à l’Italie que, si son expansion normale l’amenait un jour à tourner ses vues vers la Tripolitaine, la France renouvellerait là ce qu’elle avait fait autrefois dans la Tunisie. La France serait inexcusable de le faire, parce qu’elle n’aurait aucune des raisons déterminantes qui l’ont fait agir il y a vingt ans. Elle ne le ferait certainement pas. Le respect qu’elle a pour les droits de la Porte, les ménagemens qu’elle observe pour les intérêts de l’Italie, suffiraient à l’en détourner. Mais il fallait le dire à cette dernière dans des termes tels qu’elle ne pût pas douter de notre bonne foi. Et c’est ce qui a été fait.

Les déclarations de M. Prinetti, renouvelées avec éclat par M. Barrère, devaient attirer l’attention de l’Europe, et surtout des gouvernemens qui font partie de la Triple Alliance. On convient que les puissances qui sont entrées avec des intentions pacifiques dans un système d’alliances déterminé conservent le droit d’entretenir ou de nouer avec toutes les autres des relations d’amitié ; et rien n’est plus naturel