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doivent durer. » Ce qui veut dire que, bien qu’un contrat ait été fait pour durer, il faut s’attendre à ce que l’instabilité des intérêts politiques l’en empêche, et chercher encore ailleurs un supplément de garanties. Dans un autre passage de son livre, le prince de Bismarck dit que « déjà au siècle dernier, il était dangereux de se fier à la force inéluctable d’un texte de traité d’alliance, quand les circonstances, depuis le moment de la signature, s’étaient modifiées ; » et le grand Frédéric a donné de cette vérité des preuves multiples et saisissantes ; mais, aujourd’hui, il parait que c’est pis encore, et qu’on courrait encore plus de risques à montrer trop de confiance dans les traités. Que sont-ils donc aux yeux de ces grands réalistes allemands ? L’expression provisoire d’intérêts qui sont eux-mêmes passagers. Il n’est pas étonnant que, depuis qu’elle existe, les intérêts qui avaient fait naître la Triple Alliance ne soient plus les mêmes : dès lors, aucune force humaine ne peut la faire vivre conformément au modèle d’autrefois. Mais elle peut se survivre sous une forme à peu près semblable à l’ancienne, et elle se survivra en s’adaptant à des intérêts nouveaux. Ces intérêts ne sont plus pour l’Italie ce qu’ils ont été, puisque, du côté de la France, elle n’a plus ni appréhension, ni inquiétude d’aucune sorte. De franches explications les ont dissipées. « Je ne crois pas m’abuser, a dit M. Barrère le 1er janvier, en pensant que l’année qui finissait hier a tourné une page nouvelle dans les relations de la France et de l’Italie ; » transformation importante quand bien même elle s’arrêterait là, mais qui a une portée plus étendue.

Nous regrettons que la place nous manque pour dire un mot de la question polonaise, dont M. le comte de Bulow a parlé aussi dans son discours : elle a soulevé un nuage, oh ! bien léger, entre l’Allemagne et l’Autriche. La première, qui traite ses Polonais très mal, en ce moment surtout, trouve mauvais que l’Autriche traite les siens trop bien. L’Autriche peut répondre qu’elle est maîtresse chez elle, et qu’au reste son système lui a réussi : il n’y a plus de question polonaise en Autriche. Nous y reviendrons. Mais il est un autre point du discours du chancelier impérial que nous ne pouvons pas passer sous silence, car il complète ce que nous avons dit maintes fois des inconvéniens que présente la méthode oratoire de M. Chamberlain. M. Chamberlain n’est pas heureux dans sa manière de traiter les puissances étrangères. On se souvient qu’il y a quelques semaines, attaquant d’ailleurs avec elle toutes les autres armées de l’Europe, il avait attribué à l’armée allemande, dans la guerre de 1870-1871, des atrocités dont l’armée