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tenir. La délibération de La Rochelle posait la question. On exerça une pression suprême sur Louis XIII. On lui prouva qu’il y allait, à la fois, de sa conscience, de son honneur et de son autorité : « L’hérésie de Calvin, lui disait-on, est une extrémité tout opposée à la religion catholique, et la République que les huguenots tâchent de former ici est une autre extrémité non moins opposée à la monarchie française. » Les plus éloquens et les plus autorisés parmi les prélats le haranguèrent ; son confesseur, le jésuite Arnoux, aussi ardent que le Père Cotton était prudent, ne lui laissa pas de repos. Luynes fut mis en demeure, sa faveur n’était pas alors entièrement consolidée. Il avait encore pour rival auprès du Roi le jeune Montpouillan, fils du protestant La Force, lieutenant du roi en Béarn. Les vieux ministres, eux-mêmes, qui, pendant toute la durée de la Régence, avaient temporisé, furent ébranlés, probablement par l’exemple et la volonté de Luynes. Une insistance si universelle, arguant de l’attentat contre l’autorité souveraine, commis par l’Assemblée de La Rochelle, l’emporta, et le Conseil d’État, par un arrêt du 25 juin 1617, rendu à Fontainebleau, décida que tous les biens ayant appartenu aux ecclésiastiques du Béarn leur seraient rendus.

C’était un coup d’autorité. Pour en adoucir la rigueur et en atténuer la portée, le même arrêt décidait, très sagement, que le Roi lui-même indemniserait, sur son domaine, tous les propriétaires actuels. Sur la question d’intérêts, c’était une transaction honorable. Mais, sur la question de principe, la cause protestante avait le dessous. Le parti ne voulut pas se résigner à cet échec. Lescun était enragé de sa défaite. Il s’écriait dans une formule classique : « Si je ne puis fléchir les dieux, je soulèverai les enfers ! » Dans le Béarn même, La Force, d’ordinaire plus sage, — mais irrité de la disgrâce de Montpouillan, — soufflait sur le feu. Les États de Béarn firent opposition à l’édit de mainlevée. Le commissaire du Roi, Renard, envoyé dans la province pour l’exécution de l’arrêt, est chassé ignominieusement.

Ainsi, parmi les troubles et les agitations que le parti de la Reine-Mère et le parti des grands suscitaient dans le royaume, la querelle avec les protestans s’aigrissait jusqu’à devenir un grand péril. L’année 1618 s’était passée dans ces discordes. Au début de 1619, l’Assemblée des protestans, qui siégeait en permanence, avait été transférée à La Rochelle. La paix ou la guerre