Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il adorait, saluant, en lui, le maître, le vainqueur, l’homme heureux. Elle venait de mettre au monde un fils, l’espoir de sa race. La fortune le comblait.

Mais il était assez clairvoyant pour comprendre, lui, que ses embarras ne faisaient que commencer et que cette entreprise trop prompte et trop facile sur le Béarn devait avoir ses suites. Il connaissait la force de résistance du parti qu’il venait de provoquer. Il ne pouvait se tromper sur le levain de haine laissé dans les cœurs. Il sentait que cette grande affaire des protestans soulevée par lui, — malgré lui, — l’enveloppait et le menaçait de toutes parts.


Le 7 novembre 1620, Louis XIII rentre à Paris de la grande tournée victorieuse signalée par l’affaire des Ponts-de-Cé et par le règlement de l’affaire du Béarn. Or, c’est le 9 novembre que la bataille de la Montagne-Blanche décide du sort de l’Allemagne.

A Paris, l’ambassadeur vénitien, las des traîneries de Puisieux, se précipite, si je puis dire, sur Luynes, pour tâcher d’obtenir une décision au sujet de l’affaire de la Valteline, en suspens depuis le mois d’août.

Luynes est plus absolu que Puisieux, mais il n’est pas plus résolu. La difficulté du choix entre les deux politiques l’obsède. Sa grandeur l’élève, mais elle l’isole. Selon la belle expression de Richelieu, il ressemble « à un homme qui est en haut d’une tour. » Il sent le vide se faire et le danger s’accroître ; il ne sait plus s’il doit se confier à la fortune qui l’a soutenu jusqu’ici, ou se méfier d’elle et d’un revirement soudain.

Autour de lui, tout changeait. Le Roi était changé : un peu de maturité et de confiance lui étaient venues. Il avait pris conscience d’une certaine supériorité sur son favori. Relativement, il se sentait brave et décidé, tandis qu’il voyait l’autre toujours timide et inquiet. Comme il avait pris goût aux chevauchées à travers le royaume et aux expéditions dont il ne connaissait encore que l’agrément, la faveur, pour se maintenir auprès de lui, devait se faire moins sédentaire, plus militaire et plus active. Bientôt, les oiseaux de volière n’y suffiraient plus.

Condé avait surpris habilement ce goût du Roi. Pénétrant, hardi et sans scrupules, il se faisait, de ce goût d’adolescent, un chemin vers la faveur. Cet ancien allié des huguenots était, maintenant, plus Jésuite que les Jésuites et plus catholique que