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le Pape. Il jurait et sacrait, quand il s’agissait des protestans. On n’en faisait jamais assez contre eux. C’était une tactique. Condé ajoutait, par politique, à l’exaltation religieuse du parti catholique. Luynes était débordé.

Il eût bien voulu gagner du temps et laisser les affaires se débrouiller d’elles-mêmes. C’était dans sa manière, fertile en petits moyens, pauvre en résolutions. Cette méthode peut, à la rigueur, suffire, pour quelque temps, dans les affaires extérieures, qui restent secrètes et vont d’un pied boiteux. Mais les affaires intérieures sont plus pressées.

Pour se débarrasser d’abord des deux grandes questions pendantes à l’extérieur, celle d’Allemagne et celle de la Valteline, il a recours, nous l’avons dit, au procédé classique de l’envoi d’une ambassade. De nouveaux visages ne changent rien aux intérêts, ni aux situations ; mais leur survenue amuse le tapis.

Cadenet, frère de Luynes, est envoyé comme ambassadeur en Angleterre. Jacques Ier est le beau-père du Palatin battu à la Montagne-Blanche. Cadenet a pour mission de ménager, si possible, avec le roi d’Angleterre, un arrangement qui sauve le gendre et qui rétablisse les affaires d’Allemagne. Obtenir de si grands effets par le voyage d’un homme, cet homme fût-il le beau-frère d’un favori, ce serait trop facile. D’autant qu’on voudrait, en même temps, persuader au roi Jacques d’abandonner les huguenots de France. Pour le gagner, on lui offre de marier le prince de Galles, qui vient d’échouer en Espagne, avec la propre sœur de Louis XIII, Henriette de France. À cette ambassade de Cadenet, on donne une ampleur extraordinaire. Une escorte nombreuse, choisie parmi la fleur de la noblesse française, lui est attachée. Le Roi, pour lui faire honneur, l’accompagne jusqu’à Calais. Mais l’ambassadeur improvisé n’a d’autre mérite que la faveur de son frère. Il reviendra quinaud. Le roi Jacques le paye en belles paroles et en dissertations théologiques.

Pour l’affaire de la Valteline, même procédure. L’ambassadeur, de ce côté, c’est Bassompierre. On l’envoie en Espagne : il eût préféré le commandement d’une année en Suisse. Quoi qu’il en soit, il part le 10 février 1621. Il a pour instruction de réclamer l’évacuation de la Valteline et de tâcher d’obtenir un arrangement, « Sa Majesté ayant voulu tenter toute voie amiable pour parvenir à son but,… ce que ledit sieur de Bassompierre déclarera audit roi d’Espagne et à ses principaux conseillers, en