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termes qui ne puissent être imputés à menace, et néanmoins à une signification bien claire et précise de l’intention de Sa Majesté en cet endroit. » Luynes, comme on le voit, y mettait des formes.

Cependant, Bassompierre sera plus heureux que Cadenet. Quoique la mort du roi Philippe III ait, un instant, ralenti les négociations et modéré sa fougue diplomatique, il enlèvera d’assaut un traité en règle : c’est le traité de Madrid, signé le 25 avril 1621, par lequel la Cour d’Espagne s’engage à retirer ses troupes de la Valteline. Mais elle subordonne cet accord, conclu avec la France, à l’adhésion des cantons suisses et des Grisons, et Bassompierre, si fier qu’il soit de son succès, sait bien que cette clause rend la convention illusoire ; il écrit à Luynes, quelques jours avant de signer : « Je ferai un traité, et je le ferai avantageux pour le service du Roi : car il est fort vrai que les gens ici ne veulent pas rompre avec la France, ains nous donner tout contentement, afin que nous leur laissions chastier à leur aise les princes d’Allemagne à qui ils en veulent maintenant ;… enfin, Monsieur, je les ferai obliger par écrit. Mais, s’ils ne veulent pas payer, j’espère, par votre moyen et faveur, être un des sergens qui les ira exécuter et je serai là où je me promets de réussir mieux qu’à faire l’ambassadeur… » Et, tout de suite après la signature de l’acte, il écrivait encore : « Si on retarde l’exécution de ce traité, que nos affaires se changent et que les Espagnols puissent trouver quelque sujet de délai, assurément ils ne restitueront pas la Valteline ; car elle leur est de grande conséquence. »

Pour un homme qui avait, dans sa poche, la promesse de restitution, c’était une foi bien mince dans les engagemens qu’il avait obtenus. Il est vrai qu’il ajoute immédiatement, avec un grand bon sens : « Cela m’oblige à vous donner l’avis de retarder pour quelques mois votre dessein de la guerre huguenote, jusqu’à ce que les Grisons soient en possession, et puis, ayant gagné notre procès en la Valteline, nous en ferions, tout à loisir, payer les espèces aux huguenots rebelles de qui il faut châtier l’insolence. »

La « guerre huguenote, » c’était toujours là l’enclouure. Et, en effet, à l’intérieur, les événemens se précipitaient ; mais Luynes prenait la voie contraire à celle que les hommes qui voyaient la France du dehors lui conseillaient. C’était le moment