Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/571

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est en grande partie dans cette situation qu’il faut chercher l’explication d’un fait qui a été souvent interprété comme un indice de l’entente qui existerait en Allemagne entre les voies ferrées et navigables : c’est que les chemins de fer admettent et quelquefois même favorisent l’établissement de ports de transbordement.

L’origine de ces ports remonte à l’époque des anciennes compagnies de chemins de for, qui, pour se faire concurrence, recherchaient le concours des voies navigables. Les chemins de fer de l’État, à leur début, usèrent du même moyen pour lutter avec les compagnies qui subsistaient encore. Depuis que la plupart des chemins de fer privés ont été rachetés, ce motif n’a cessé d’exister que partiellement, car, s’il n’y a plus en présence que des réseaux d’État, ces réseaux n’en appartiennent pas moins à des pays distincts, ayant leur budget particulier et cherchant, par suite, à tirer le maximum de recettes de leurs chemins de fer, fût-ce au détriment des États voisins.

C’est ainsi qu’à l’époque où le Rhin n’était navigable que jusqu’à Mannheim, le gouvernement badois prit l’initiative de construire un port de transbordement en ce point, de manière à prolonger la voie fluviale par une série de lignes ferrées s’étendant jusqu’à la Suisse et à détourner le trafic des chemins de for prussiens et alsaciens. Ce port d’échange fut inauguré en 1875, et le mouvement de la gare de Mannheim s’éleva progressivement à 925 000 tonnes en 1881, à 1 600 000 tonnes en 1885, et à 1 983 000 tonnes en 1890. Cet essor, qu’on serait tenté de considérer comme un bienfait de la navigation, provient en réalité, pour une grande partie, du préjudice causé aux chemins de fer qui desservent l’autre rive du fleuve.

De même le gouvernement bavarois a trouvé avantageux de se servir du Rhin pour relier entre elles ses voies ferrées du Sud et de l’Est et pour les mettre en relations avec les ports de la Mer du Nord plutôt que de faire transiter ses marchandises sur les lignes prussiennes. De là le développement des ports d’échange de Ludwigshafen et de Gustavsburg. Le chemin de fer Louis de Hesse, dont l’exploitation est aujourd’hui réunie à colle du réseau d’État prussien, avait fait de même autrefois pour le port de Mayence. Pour la plupart des ports de l’Elbe, la situation est analogue. Ceux de Riesa et de Dresde ont été établis en partie aux frais des chemins de fer de l’État de Saxe, afin de détourner