marchandises entre les deux voies. Au chemin de fer les objets de valeur, les produits de la fabrication et toutes marchandises dont la nature exige un transport rapide, sûr, et peut supporter une taxe élevée ; à la voie d’eau les matières premières, les marchandises pondéreuses et toutes celles dont la circulation ne peut se faire qu’à bas prix. Dans ces conditions, le bateau n’enlève à la locomotive que des transports qui ne seraient pas rémunérateurs pour elle, et il les lui rend d’ailleurs au centuple en développant, par l’approvisionnement facile des matières premières, la production des objets fabriqués. De là l’intérêt, la nécessité même, de la coexistence des deux modes de transport.
On affirme couramment que cette théorie a reçu en Allemagne la confirmation de l’expérience, que les voies ferrées et navigables de ce pays ont abandonné toute idée de compétition et se donnent un concours réciproque, pour le plus grand profit des unes et des autres. Ces affirmations sont-elles conformes à la réalité des faits, et nos voisins ont-ils eu réellement l’heureuse chance de mettre d’accord la navigation et les chemins de fer ? Ce serait un résultat tellement remarquable qu’il mérite d’être examiné de près.
Observons qu’en Allemagne, il n’y a guère de grandes voies navigables que dans la direction Nord-Sud. La concurrence ne peut donc se produire que dans cette direction, et non pour les courans perpendiculaires qui sont presque exclusivement desservis par les chemins de fer.
Il y a encore une autre circonstance particulière à l’Allemagne. Presque chacun de ses fleuves arrose plusieurs États différens ; l’Etat dans lequel le cours d’eau cesse d’être navigable, n’ayant pas à redouter de concurrence sérieuse pour son propre réseau de chemins de fer, cherche à établir un courant de transit avec le fleuve pour concurrencer les réseaux voisins. C’est ce qui se produit, par exemple, pour le Rhin : tandis que, dans le Bas-Rhin, il y a concurrence entre les chemins de fer prussiens et la batellerie, dans le Rhin supérieur, les chemins de fer badois, du Palatinat et d’Alsace favorisent la navigation par des tarifs de transbordement et de transit très réduits, de manière à détourner les transports des lignes prussiennes. Il en est de même pour l’Elbe, où la navigation est concurrencée dans son cours inférieur par les chemins de fer prussiens, et favorisée dans son cours supérieur par les chemins de fer de Bohême.