Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/725

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’agit de l’enseignement primaire, il suffit d’une simple déclaration. L’école est alors placée sous le contrôle et l’inspection de l’État ; mais l’autorisation d’ouvrir une école primaire ne peut être réglementée que par la législation spéciale à laquelle je viens de me référer. » Et M. le président du Conseil, continuant de préciser sa pensée, concluait en disant : « Les dispositions proposées n’ont absolument rien à voir avec la législation sur l’enseignement, et, jusqu’à ce que celle-ci ait été modifiée, il est bien entendu qu’elle garde toute sa force, et que la loi actuelle n’y touche même pas. » Donc, les congrégations autorisées ne peuvent ouvrir, sans un décret, aucun établissement nouveau, excepté ceux dont les conditions d’ouverture sont réglées par la loi de 1886, c’est-à-dire les établissemens d’enseignement primaire. Voilà qui est clair. Mais on obscurcit à plaisir les choses les plus limpides, et le ministère de l’instruction publique s’est si fort appliqué à obscurcir celle-ci, que le gouvernement, ne sachant plus quel parti prendre, a posé la question au Conseil d’État en lui demandant son avis. Si encore il s’en était tenu là ! Mais il est allé plus loin, et il a interrogé le Conseil d’État, non seulement sur le droit d’une congrégation autorisée, mais encore sur celui de ses membres d’aller à titre particulier, ut singuli, enseigner dans des établissemens libres non dirigés par la congrégation. Ainsi, un laïque ouvre une école primaire et, cela fait, il y appelle, comme instituteur ou comme institutrice, un membre d’une congrégation autorisée, — l’école est-elle de ce simple fait un établissement nouveau de la congrégation ? Il semble bien que la question ne comporte qu’une réponse, et que cette réponse doit être négative. Mais ce n’est pas ainsi qu’a conclu le Conseil d’État. Il a donné au gouvernement qui l’interrogeait la réponse que celui-ci désirait, et qu’il a fait soutenir devant lui par les fonctionnaires de son administration, conseillers d’État en service extraordinaire. Grâce à eux, une majorité, qui n’a été d’ailleurs que de deux voix, — et les commissaires du gouvernement sont beaucoup plus nombreux, — s’est prononcée dans le sens le plus restrictif, et a déclaré qu’un décret était nécessaire, même pour l’ouverture d’une école qui n’appartient pas à la congrégation et qui n’est pas dirigée par elle, dès que quelques-uns de ses membres, ou même un seul, donnent l’enseignement.

Heureusement, ce n’est là qu’un avis du Conseil d’État. Il a la valeur morale que chacun veut bien lui attribuer : il interprète la loi, il ne la remplace pas. Si la justice est saisie sous une forme ou sous une autre, elle aura pleine liberté pour se prononcer. Mais, on le voit,